N° 5 - 1998
OBSERVATIONS GÉOBOTANIQUES
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Compte rendu de la sortie commune avec la Société d'Histoire Naturelle du Loir et Cher du 17 mai 1998
J. DI ROSA: Botanique |
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Le BOULON est un affluent du LOIR (rive droite) qui conflue avec celui-ci en aval de Vendôme, à
la hauteur de THORÉ-LA-ROCHETTE. Il prend sa source (ou plutôt ses sources) à
l'ouest de la VILLE-AUX-CLERCS. Deux sites remarquables jalonnent son cours : le premier, au lieu-dit "Le
Gouffre" à la sortie sud du bourg de DANZÉ, est une perte des eaux de la rivière. En période
d'étiage, elle absorbe la totalité de ces eaux.
Le deuxième est une source captée au lieu-dit "Fontaine de Saint-Sulpice" dans le bourg GAZÉ.
Cette source est en fait la résurgence des eaux du BOULON. Son débit est sensiblement
équivalent à celui du BOULON en amont du "Gouffre" de DANZÉ. Elle est répertoriée sur le
fichier des sources de la Société d'Histoire Naturelle: Danzé 010-1.
Cadre géologique de la Vallée du BOULON
La direction de cette vallée est sud-ouest nord-est sur l'ensemble de son parcours. Elle est
déterminée par une grande faille régionale qui affecte les terrains du Crétacé supérieur et de
l'Éocène inférieur entre FONTAINE-RAOUL au nord-est et THORÉ-LAROCHETTE au sud-ouest, soit sur
une distance de 30 km environ.
Les terrains qui affleurent sur les flancs de la vallée sont la craie du Crétacé supérieur et
les conglomérats à silex de l'Éocène inférieur. Sur les plateaux environnants, ils sont
recouverts par des limons quaternaires. Le fond de la vallée est remblayé par des alluvions
(essentiellement galets de silex et argiles sableuses).
Le "Gouffre" de DANZÉ
Ce site est déjà indiqué sur la carte ancienne de CASSINI datée de 1760. Il se situe au pied de
l'escarpement que forme la rive gauche du BOULON : les eaux de la rivière s'y perdent dans un
bassin semi-circulaire d'une trentaine de mètres de diamètre. Ce bassin est surmonté en rive
gauche par une sorte d'hémicycle en entonnoir qui ravine le flanc du coteau sur une hauteur de
25 m. Il est occupé par un vieux taillis sous futaie. La rive droite du bassin est, par contre,
en pente très douce. Elle est occupée par des cultures.
Hydrogéologie
Le gouffre est situé sur le tracé de la grande faille orientée sud-ouest nord-est, citée
ci-dessus, à son point d'intersection avec une faille décrochante mineure orientée nord-ouest
sud-est. En ce point les calcaires et craies du Turonien sous-jacent sont très fracturés et
fissurés et, par voie de conséquence, fortement attaqués par l'érosion karstique (dissolution
du carbonate de chaux par des eaux d'infiltration acide). Il en résulte la formation d'un
réseau de galeries et de puits où coule le cours souterrain du BOULON. A notre connaissance, ce
réseau n'est pas pénétrable par l'homme du fait des apports importants de sédiments
argilo-sableux.
Nature des sols (pédologie) à la base de l'entonnoir d'entrée :
Il s'agit d'un sol forestier comportant les niveaux suivants depuis la surface
- Humus = mull eutrophe,
- Horizon A (organo-minéral) = argilo-limoneux, sans taches d'hydromorphisme.
Charge en silex augmentant en profondeur,
- Horizon B = néant,
- Horizon C = colluvion de pente argilo-sableux à silex.
Végétation
Futaie de chênes sessiles et taillis de charmes avec présence de merisiers, acacias, alisiers,
ormes champêtres.
La strate arbustive est dominée par le noisetier, l'aubépine, le fusain.
La strate herbacée, peu vigoureuse en raison de la lumière tamisée, est dominée par la
mercuriale pérenne et le lamier jaune (espèces d'ombre).
La Fontaine Saint-Sulpice à AZE
Il s'agit de la résurgence du cours souterrain du BOULON en aval du Gouffre de DANZÉ. Elle
est inventoriée et décrite dans le numéro 3-96 de la
Chronique, p. 32 (référence SHN 41.010).
Le trajet souterrain entre le point d'engouffrement et le point de résurgence est de 5 km
environ avec une dénivellation d'une vingtaine de mètres. La cote altimétrique de la résurgence
est NGF+90 m. Celle-ci étant du type "atmosphérique" (écoulement horizontal), la cote
piézométrique est donc égale à la cote altimétrique en ce point. Le débit important
(>201 / sec) est sensiblement égal au débit au point d'engouffrement. En période de fortes
pluies, le gouffre de DANZÉ déborde. Le trop plein emprunte un tracé aérien, normalement à sec,
qui conflue avec les eaux de la Fontaine Saint-Sulpice prés de la limite sud de l'agglomération
de AZÉ. Dans le bassin de captage de la fontaine, nous avons observé au cours de la visite la
présence abondante de la petite renoncule blanche (ranunculus trychophyllus C.) ainsi que
quelques callitriches. Sur les bords se développent vrai et faux cresson (Apium
nodiflorum L.).
La GRENNE est un affluent de la Braye, elle-même affluent de rive droite du LOIR.
La partie haute de son cours, entre LA CHAPELLE-VICOMTESSE et BOURSAY, est orientée nord-ouest
sud-est parallèlement à la dorsale du dôme de FRÉTEVAL. En aval de BOURSAY, la GRENNE prend une
direction franchement sud-ouest nord-est. Ces deux directions sont déterminées par les
conditions structurales et tectoniques du secteur. Au cours de la visite du 17 mai 1998, trois
points remarquables on été examinés :
1. La Fontaine de Guériteau (Commune de CHOUE)
Elle est située à 3 km au nord de MONDOUBLEAU, sur la route de GAULT-DU-PERCHE. La source sourd
en pied de coteau dans un petit bassin en pierres maçonnées sous une niche en "cul de four". A
la sortie du bassin, l'eau s'écoule dans le fossé de la route actuelle, mais autrefois elle
devait rejoindre directement la GRENNE.
A 50 m au nord, les ruines d'une ancienne chapelle
romane se dressent dans une prairie bordant la rive droite de la GRENNE. Cette fontaine a fait
l'objet d'un culte très ancien comme en témoignent les restes de la chapelle voisine. Encore à
l'heure actuelle, son eau est considérée comme miraculeuse et de nombreux visiteurs boivent et
emportent son eau dans des bouteilles.
Le jour de la visite, le débit pouvait être estimé à 0,5
1 / sec. Cette source est située sur le tracé d'une faille sud-ouest nord-est déterminant la
direction du cours de la GRENNE entre BOURSAY et MONDOUBLEAU. Le point d'émergence est
probablement dû à l'interférence de cette faille avec un petit décrochement nord-ouest sud-est,
bien visible en géomorphologie. L'aquifère est la partie supérieure du grès "roussard" et des
sables formant l'étage Cénomanien supérieur. La couverture est représentée par les conglomérats
à silex de l'Éocène inférieur qui arment le rebord du coteau. Cette couverture apparaît ici
assez perméable, d'où une vulnérabilité importante de l'aquifère aux pollutions des eaux de
surface. La cote altimétrique (cote piézométrique) de cette source "atmosphérique" est à
NGF+125 m. La flore au point d'émergence sous le bassin de captage, est presque uniquement
représentée par le faux cresson (Apium nodiflorum L.) qui envahit le fossé de la route qui
recueille les eaux de la source. Dans la prairie où se dresse la chapelle, les graminées sont
essentiellement le pâturin (Poa pratensis L.), le vulpin (Alopecurus pratensis L.) et le
dactyle pelotonné (Dactylis glomerata C.) avec des espèces diverses telles que bardane
(Arctium lappa L), stellaire (Stellaria graminea L.), menthe (Mentha rotundifolia L.),
lampsane (Lapsana communus), vesce (Vicia sativa L.), luzerne (Medicago lupulina L.). Cette
flore est typique des fonds de vallée du PERCHE. Elle ne parait pas subir l'influence des eaux
émergeant de la fontaine. D'ailleurs les sols sont ceux que l'on observe classiquement en
bordure de rivière sur un substratum alluvionnaire gorgé d'eau (hydromorphisme visible).
2. Le lavoir de BOURSAY
Cet ancien lavoir, situé à 300 m au sud-ouest du village, est actuellement abandonné et à
sec.
L'examen des lieux montre qu'il était probablement alimenté par une source située à mi-pente du
coteau sous la gare. L'arrivée d'eau était commandée par une vanne à vis dont on voit encore
les restes sur le rebord du bassin. Nous avons observé une canalisation avec un assez fort
débit d'eau claire débouchant juste au-dessus de la vieille vanne dans le collecteur des eaux
usées du village. Il est possible que cette arrivée d'eau provienne de la source dont nous
n'avons pas pu retrouver le point d'émergence au cours de la visite. La .position topographique
approximative de cette source indique un contexte hydrogéologique similaire à celui de la
Fontaine de GUÉRITEAU : aquifère des grès du Cénomanien affecté par la même faille nord-est
sud-ouest. Sur le plan botanique, signalons que ce vieux lavoir se trouve à l'extrémité
inférieure du "sentier botanique" de BOURSAY. La comparaison des associations végétales entre
le haut et le bas du coteau le long de ce sentier permettrait éventuellement de repérer la
ligne d'affleurement de l'aquifère qui alimentait autrefois ce lavoir.
3. Les sources du Bois de la Pagerie (commune de LA CHAPELLE-VICOMTESSE)
Il s'agit d'une zone d'émergence diffuse que traverse la route de BOURSAY à LA CHAPELLE
VICOMTESSE, à 600 m de cette dernière localité. Contrairement aux autres sources observées au
cours de cette visite, ces émergences ne se situent pas à flanc de coteau ou en fond de vallée
mais à la surface d'un plateau. L'écoulement est vers le sud-ouest, très faible, non mesurable.
Il est probable qu'il s'agit d'un aquifère superficiel, sans connexion avec les systèmes
phréatiques profonds. Le niveau aquifère est constitué par un "perron" de silexite très
fragmentée reposant sur un plancher argileux : ces formations appartiennent à l'Éocène
inférieur. On peut considérer géographiquement que ces sources sont l'origine du cours d'eau
de la GRENNE.
Le sol, occupé par un bois, présente la coupe suivante observée sur tarière (50 cm) :
- Humus du type mull-moder,
- Horizon A (organo-minéral) = limoneux gris-noir,
- Horizon B = argileux décoloré à la partie supérieure passant à une argile
gris clair avec de
nombreuses taches de rouille (Fe) et des petits nodules ferro-manganésifères,
- Horizon C = argile et nombreux silex
La flore de cette zone d'émergence est celle d'un sous-bois ombreux. L'étage arbustif comprend
le noisetier, l'aubépine, l'églantier, le prunellier.
L'étage herbacé est dominé par la moehringie à trois nervures (moehringia trinervia)
indicatrice d'un sol acide. Il comprend également la fougère mâle, l'épilobe velu, la prêle, le
galéopsis, la lysimaque, le sceau de Salomon, le pâturin des bois, la renoncule âcre, la
ficaire et ronces et orties.