N° 5  -  1998

 

FAILLES DRAINANTES
DANS LA VALLÉE DU LOIR
EN AVAL DE CHÂTEAUDUN

 

Une étude photo-géologique, appuyée par des contrôles sur le terrain, met en évidence un couloir de failles drainantes affectant les calcaires aquifères du Santonien et du Turonien dans lesquels sont situés des captages pour eau potable (A.E.P.).
Le rôle de ces failles dans les risques de pollution au niveau de ces calcaires est important.

 


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 Le secteur d'étude est la vallée du Loir, en aval de CHÂTEAUDUN, sur les territoires des communes de SAINT-DENIS-LES-PONTS et DOUY.

I - CADRE GÉOGRAPHIQUE

Le cours du Loir suit ici un tracé en "baïonnette", avec une direction d'est en ouest entre CHÂTEAUDUN et SAINT-DENIS-LES- PONTS. Il décrit ensuite un zigzag vers l'ouest avant de se diriger vers DOUY suivant une direction nord-sud. Il s'encaisse entre deux plateaux qui le dominent d'une trentaine de mètres, soit directement, soit par un gradin intermédiaire en rive gauche (entre THOREAU et FONTAINE MARIE).
Le fond de vallée est plat, large de 1 à 1,5 km à la hauteur de SAINT-DENIS- LES- PONTS. I1 se rétrécit ensuite, vers DOUY et ANCISE, où il n'a plus que 400 mètres de large. Ce fond de vallée est occupé par des prés humides et des étangs, témoins d'anciennes exploitations de graviers et de sables.
Sur les plateaux contigus, c'est la grande culture céréalière qui est dominante. Les "flancs des coteaux sont généralement boisés. Le tissu péri-urbain est bien développé entre le sud de CHÂTEAUDUN et le sud de SAINT-DENIS- LES-PONTS où il s'accompagne de sites industriels variés, de moyenne importance, et de grandes surfaces commerciales.

II - GÉOLOGIE

2.1. Cadre stratigraphique

Les formations en affleurement entre le fond de la vallée et la surface des plateaux sont de bas en haut dans l'ordre stratigraphique.

  • Les calcaires de CHÂTEAUDUN d'âge Santonien (Sénonien moyen)
    Calcaires crayeux, massif ou en plaquettes, le plus souvent en voie de décalcification dans les zones fracturées où ils prennent une coloration ocre. Il: contiennent des lits de gros silex, parfois jointifs en alternance métrique. Il; forment les flancs des coteaux de part et d'autre de la vallée, mais sont sou vent masqués par des dépôts de pente argilo-sableux ou des éboulis de silex
  • Les conglomérats à silex de l'Éocène inférieur
    Silexites et argiles sableuses, perrons siliceux, lentilles d'argiles plastiques intermittentes. Ces sédiments détritiques d'origine continentale forment la surface des plateaux jouxtant la vallée du Loir. Leur épaisseur peut atteindre 20 mètres, mais est variable en fonction du degré d'érosion en bordure de vallée.
  • Alluvions anciennes
    Galets et graviers roulés de silex et sables couvrant le gradin intermédiaire de la rive gauche entre THOREAU et la FONTAINE MARIE. Cette formation fluviatile est peut-être un équivalent chronologique des dépôts fluviatiles similaires situés plus en aval près de MORÉE, lesquels ont été datés en Pléistocène moyen par les gisements d'outillage préhistorique qui y sont enfouis.
  • Alluvions récentes
    Sensiblement de même composition que les alluvions anciennes. I1 convient de distinguer les alluvions de lit vif, en cours de dépôt dans le lit actuel du Loir et les alluvions de lit mort déposés au même niveau mais sur des tracés abandonnés par la rivière.
    Signalons enfin que nos observations ne concordent pas en certains points avec la carte géologique au 1/50.000 (feuille de CLOYES). Celle-ci indique une formation continue d'argile à silex, indiquée Cs, intercalée entre les calcaires de CHÂTEAUDUN et les silexites argilosableuses de l'Eocène inférieur. En fait nous avons pu observer qu'il y a ici confusion avec des dépôts de pente résultant de l'érosion des silexites argilosableuses affleurant en haut des plateaux. Ces dépôts de pente sont simplement plaqués contre les flancs de coteaux. Ils sont plus récents que l'Eocène et ne s'intercalent donc pas entre les calcaires crétacés et les formations éocènes.
    Par contre la carte géologique au 1/50.000 identifie les alluvions anciennes du gradin intermédiaire àTHOREAU comme étant des dépôts de pente. Mais un simple examen sur le terrain montre qu'il s'agit bien de matériaux roulés d'origine fluviatile.

2.2. Tectonique (figure 1)

La seule structure tectonique représentée sur la carte géologique au 1/50.000 est une faille en pointillé traversant la vallée du Loir au sud de SAINT-DENIS-LES-PONTS avec une direction N120.
La notice de la carte indique qu'il s'agirait du prolongement hypothétique vers le nord-ouest de la faille régionale d'OZOUER-LE-MARCHÉ.
L'analyse géomorphologique que nous avons effectuée sur photos aériennes ne détecte aucune anomalie pouvant révéler le passage d'une telle faille à travers la vallée du Loir.
Par contre elle a permis de mettre en évidence un important faisceau fracturé qui détermine le tracé en "baïonnette" de la vallée entre SAINT-DENIS-LES-PONTS et DOUY. Ce faisceau est orienté N160.
Les failles bordières de ce faisceau, à l'ouest et à l'est, paraissent jouer en décrochements senestres affectant une faille plus ancienne, orientée N60 dans le secteur de SAINT-DENIS-LES-PONTS.
L'ensemble de cette structure dessine une forme caractéristique en "fuseau de distension" à l'intérieur duquel la séquence des calcaires de CHÂTEAUDUN tend à se tasser vers le bas, en se fracturant parallèlement à l'axe du faisceau. Ceci se confirme par les forages de recherche d'eau qui ont été effectués récemment dans le secteur de THOREAU, le long de la rivière.
L'âge de mise en place de ce faisceau est probablement plus récent que l'ancien tracé du Loir correspondant aux terrasses d'alluvions anciennes (Pléistocène moyen), car il paraît avoir déterminé le tracé du lit actuel : il s'agirait de la même phase tectonique que celle qui affecte le dôme de FRÉTEVAL-MARCHENOIR au sud de CLOYES (cf. Chronique des Sources et Fontaines n° 3-95).

III - HYDROGÉOLOGIE

La ressource principale, exploitée actuellement dans le secteur d'étude, est contenue dans les calcaires et craies du Sénonien-Turonien. L'épaisseur de cet aquifère entre le Turonien moyen à la base et le Santonien (Sénonien moyen) au toit atteindrait 70 mètres (cf. figure 2). Son "mur" (formation imperméable à la base) est constitué par les marnes crayeuses du Turonien inférieur. Son "toit" (formation de couverture) est constitué par les silexites argilo-sableuses de l'Éocène inférieur. Ici cette formation de surface est aux 3/4 de sa surface assez perméable : il en résulte que les eaux pluviales peuvent s'infiltrer plus ou moins rapidement à travers cet écran, vers l'aquifère du Sénonien-Turonien.
En fonction des contraintes hydrostatiques, le niveau piézométrique (cote de la surface de la nappe phréatique) peut remonter localement dans la formation de couverture (Éocène inférieur) : la nappe phréatique est donc ici libre (pression hydrostatique = pression atmosphérique). Elle émerge en plusieurs points au pied des coteaux qui bordent la vallée en rive droite comme en rive gauche. Outre des lignes d'émergences diffuses comme à THOREAU ou à JARGUÉ, on observe trois sources importantes :

a) La FONTAINE DOUDÉE en rive droite, à l'ouest de SAINT-DENIS-LES-PONTS.
- Captage ancien, à l'air libre, restauré récemment. - Débit important (> 50 1/s ?), légèrement en surpression au vu des bouillonnements dans le griffon : cette surpression est probablement due à la vitesse d'écoulement souterrain dans des calcaires fortement attaqués par l'érosion karstique à laquelle s'ajoute l'effet de bas de pente.
- C'est un exutoire probable des eaux souterraines du plateau de LANNERAY.

b) La FONTAINE BARTAUDE : au pied du château d'ANCISE.
- Débit également important, mais moindre qu'à la FONTAINE DOUDÉE.
- Source, non captée. Son griffon naturel est constitué par un entonnoir noyé, ouvert dans les alluvions en lit mort du Loir. La vitesse d'écoulement est très lente, ce qui est probablement dû à la remontée de l'eau à travers la couverture alluvionnaire. La surverse rejoint le cours du Loir à une trentaine de mètres de distance.
- Exutoire probable des eaux souterraines du plateau de DOUY.

c) La FONTAINE MARIE au nord du Moulin de COURGAIN
- Source mal individualisée dans une zone d'émergence diffuse. Des drainages anciens rendent incertaine la position du griffon principal, situé en pied de coteau. Le débit de l'ensemble serait sensiblement équivalent à celui de la FONTAINE BARTAUDE.
* La direction régionale d'écoulement des eaux souterraines est vers le sud-est (données des forages). Le gradient hydraulique est faible (+ 0,4 °/°° ) induisant une vitesse d'écoulement assez lente.
Cependant la présence du faisceau de faille décrit ci-dessus modifie considérablement ces paramètres régionaux. Les failles jouant le rôle de drains, la direction d'écoulement tourne de 15° vers le sud parallèlement à l'axe du faisceau des failles (N160). Les phénomènes de dissolution karstique peuvent être importants dans la zone faillée, créant des vides souterrains où l'eau circule beaucoup plus librement que dans les parties non fracturées : la vitesse d'écoulement est donc susceptible d'y augmenter considérablement.

IV - CONCLUSION

Le faisceau faillé mis en évidence dans la vallée du Loir, entre SAINT-DENIS-LES-PONTS et DOUY rend l'aquifère crétacé extrêmement vulnérable à la pollution. Cette vulnérabilité est due principalement aux deux facteurs suivants :
- La fracturation des assises calcaires et crayeuses, qui engendre une dissolution chimique du carbonate de calcium qui les compose, et qui est susceptible de créer des vides souterrains en réseau où la filtration de l'eau est nulle.
- La situation géographique immédiatement en aval des zones industrielles de CHÂTEAUDUN et de SAINT-DENIS-LES-PONTS, par rapport à la direction d'écoulement des eaux souterraines d'une part et des eaux de surface du Loir d'autre part.
Il est vraiment dommage qu'il n'ait pas été tenu compte des données géologiques exposées ci-dessus lors de la récente campagne de forages de recherche d'eau potable près de THOREAU.
I1 existe pourtant des secteurs beaucoup moins exposés dans la région.