N° 10 - 2004
AVIS HYDROGEOLOGIQUE
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A. ANALYSE CRITIQUE DES DOCUMENTS PRESENTES A L’ENQUETE
I. ETUDE D’IMPACT – Chap. 5.3 : Contexte géologique et hydrogéologique
1. Le Pétitionnaire écrit (3ème ligne) :
" Carte géologique de MENTON-NICE au 1/65.000".
Notre commentaire : cette feuille géologique publiée par B. Gèze en 1968 est à l’échelle du 1/50.000.2. Le Pétitionnaire écrit (5.3.1 - dernier alinéa) : " A environ 100 mètres à l’est du site se trouve la vallée du Paillon de Contes… ".
Notre commentaire : l’usine et la carrière se situent sur la rive gauche du Paillon qui se trouve donc à l’ouest du site.3. Le Pétitionnaire écrit (5.3.2 - 2ème alinéa) : " … présence d’une nappe phréatique au niveau des formations alluvionnaires du Paillon de Contes. Il s’agit d’une nappe libre alimentée principalement par les précipitations atmosphériques ".
Notre commentaire : il n’a pas paru évident à l’auteur qu’une nappe alluviale puisse être alimentée principalement par le cours d’eau qui s’écoule dans la même vallée ! En l’occurrence, ici ce sont les eaux du Paillon et de tous ses affluents amont qui alimentent la nappe alluviale au droit du site.4. Le pétitionnaire écrit (5.3.2 – 6ème alinéa) : " Le S.D.A.G.E. a identifié les aquifères karstiques des Paillons de Contes et de l’Escarène comme offrant des potentialités locales intéressantes et représentant des intérêts stratégiques sur la diversification et la ressource et de la sécurisation de l’alimentation en eau de la région. "
Notre commentaire : l’auteur a oublié ( ?) d’identifier ces aquifères karstiques considérés importants : il s’agit du calcaire lutétien-bartonien (affleurant à 300 mètres au nord du site) et des calcaires jurassiques situés sous le site à une centaine de mètres de profondeur. Leur proximité n’a pas été prise en compte par le pétitionnaire.En conclusion sur le chapitre Géologie – Hydrogéologie
Mis à part les petits détails relevés ci-dessus, nous pouvons imaginer que les pouvoirs publics ont dû trouver plus que succinct le fait de décrire en à peine deux pages seulement l’environnement hydrogéologique d’un gros projet industriel générateur de produits hautement polluants tels qu’un incinérateur de déchets classés dangereux.II. ETUDE D’IMPACT – Chap. 6-11 : Impact sur la situation environnementale
Aucune mention d’un impact possible sur le sous-sol n’est faite dans ce chapitre, mises à part quelques lignes sur une atteinte à la vocation des sols par les retombées de poussières que l’auteur considère comme négligeables car en deçà des normes VCI du B.R.G.M. Ces normes sont tout au plus indicatives ; c’est seulement leur but. Les résultats d’analyse montrent en fait une pollution des sols en dioxine et métaux lourds non négligeable (cf. la carte ci-jointe). Cette pollution peut atteindre les assises du sous-sol par la percolation des eaux pluviales aux alentours du site. Quel sera en fait le véritable impact sur le sol et le sous-sol lorsque l’incinérateur brûlera 30% en plus de déchets divers ?III. ETUDE HYDROGEOLOGIQUE COMPLEMENTAIRE
Cette étude avait pour but de déterminer le potentiel d’exploitation du captage de l’usine ainsi que son impact. Après essais de pompage, elle conclut que même avec un prélèvement de 500 m3/jour, ce pompage n’aura pas d’incidence sur les milieux naturels.
Nous sommes d’accord avec cette conclusion. Cependant nous avons relevé des erreurs au paragraphe 2.4 " Contexte géologique ". Ces erreurs sont susceptibles d’apporter une confusion dans la compréhension du milieu géologique du site et de conduire à des conclusions erronées sur la vulnérabilité des eaux souterraines aux abords du site. Nous corrigeons ici ces erreurs :
- a - Les formations marno-calcaires aux abords du site comprennent non seulement le Sénonien (pôle marneux) mais également le Turonien (pôle calcaire). Du fait de la discordance des dépôts éocénes à l’amont du site, l’épaisseur de cet ensemble est inférieure à 150 mètres.
- b - Marnes noires cénomaniennes : nous sommes d’accord sur le fait qu’elles constituent une barrière imperméable. Elle limite les circulations d’eau souterraine entre l’aquifère jurassique sous-jacent et la surface.
Cependant la partie de la vallée du Paillon où se situe l’usine à ciment est affectée par une faille régionale normale à regard est qui se prolonge au nord tout le long du flanc oriental du Mont Férion où elle converge avec d’autres failles.
Ces accidents tectoniques ne sont qu’à peine esquissés sur la carte géologique au 1/50.000 datant de 1968. Ils ont été révélés par des travaux récents de cartographie tectonique détaillée (Riviera Scientifique – 2001 – pp.53-68).
On peut estimer le rejet de cette faille au droit du site en utilisant les cotes altimétriques de l’horizon repère du calcaire lutétien à environ 50 mètres. Il en résulte que la barrière imperméable des marnes noires cénomanienne est localement rompue (cf. coupe ci-dessous), d’où communication entre la nappe alluviale du Paillon et la nappe jurassique sous-jacente ainsi que la capture d’une partie des eaux souterraines libres circulant dans le Turonien.- c - L’auteur de l’étude affirme par ailleurs que les seules réserves aquifères valables de la région sont les alluvions des vallées ! Il n’est donc pas au courant du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion (S.D.A.G.E.) qui identifie les aquifères karstiques (Lutétien, Jurassique) du bassin des Paillons comme ressource potentielle importante.
La vulnérabilité des aquifères du bassin souterrain des Paillons apparaît évidente eu égard au projet d’incinération présenté à l’enquête publique. La pollution des eaux souterraines peut y être directe et accidentelle ou indirecte et diffuse.
1) Risque de pollution directe accidentelle
Le transport, la manipulation et le stockage temporaire de matières toxiques en phase liquide peuvent affecter la qualité des eaux souterraines, soit lorsqu’un déversement accidentel de ces matières se produit soit lorsque les aléas de la production cimentière obligent à les stocker trop longtemps sur le site.
Cette pollution directe et accidentelle concerne surtout la zone saturée à l’aval du site de l’aquifère karstique jurassique, lequel, comme nous l’avons vu, se trouve en communication avec la nappe alluviale superficielle par la faille régionale du Mont Férion. Cette communication paraît confirmée par la cote piézométrique mesurée dans le puits de l’usine dans les alluvions et la cote piézométrique mesurée aux sources de Sainte Thècle, qui sont une surverse naturelle du bassin souterrain au toit du Jurassique. Dans les deux cas, cette cote oscille suivant les saisons autour de +165 mètres NGF.2) Risques de pollution indirecte diffuse
Ces risques concernent les effluents atmosphériques, c’est-à-dire les émissions de fumées et de gaz issus de la combustion des déchets. Les fumées contiennent de fines particules solides de nature diverse qui se déposent sur le sol sous l’aire de diffusion partant de la cheminée de combustion.
A partir des analyses effectuées par le Pétitionnaire sur les combustions actuelles, on peut déduire les constatations suivantes :
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Le gaz SO2 diffuse selon un dièdre ouvert vers le nord dont le côté ouest suit le bas des pentes de la vallée principale et le côté est s’ouvre vers le quartier du Suyet. A hauteur de Contes, ce dièdre est ouvert sur 1,5 kilomètre de largeur (période estivale diurne).
- La dioxine forme une traîne de 2 kilomètres de long et 0,5 kilomètre de large en direction de l’est de Contes (période hivernale diurne).
- Les métaux lourds, représentés ici par le nickel et le cadmium, forment une traîne de plus de 2 kilomètres de long et 0,5 kilomètre de large, passant à l’est de Contes (période hivernale diurne).
- Le benzo- pyrène forme une traîne qui couvre à peu près celle des métaux lourds (période hivernale diurne).La dioxine est peu soluble dans l’eau. Elle peut donc retomber au sol en cas de pluie sans être dissoute.
La traîne de gaz sulfureux et celle des métaux lourds peuvent se combiner pour former des échanges ioniques se traduisant par la formation de sulfates ou de sulfo-sels complexes à la surface du sol. Ces derniers peuvent alors être remis en solution puis entraînés par les ruissellements et soit rejoindre le Paillon soit percoler dans le sous-sol.
La carte ci-jointe montre la position de ces traînes issues de la cheminée de combustion. On voit qu’une grande partie du territoire entre la rive gauche du Paillon et les pentes à l’est et au sud-est du vieux village de Contes est concernée par le risque.
Un autre point important est la présence d’un " flat " alluvionnaire entre le site et l’agglomération de Contes. Ce flat accumule les résidus d’érosion des pentes dominant le Paillon sur ses deux rives. A cette érosion se rajoute le lessivage des sels solubles dont ceux issus de la pollution atmosphérique, le tout venant se déposer et précipiter dans le flat. Celui-ci est de ce fait un facteur de concentration d’éléments solides provenant à la fois du sol et de solutions d’origine atmosphérique.
La carte ci-jointe montre sans équivoque que le flat de Contes est soumis aux traînes de pollution de la cheminée de combustion de la cimenterie.Le risque de pollution de la nappe alluvionnaire en amont du site est donc probant. Comme cette nappe est probablement en communication hydrostatique avec l’aquifère profond du jurassique, comme nous l’avons exposé plus haut, il y a donc également un risque de pollution de l’aquifère jurassique qui est la principale réserve hydraulique du bassin des Paillons.
Cela menace donc directement le captage A.E.P. du Pilon qui capte l’eau au niveau du Jurassique pour l’alimentation des agglomérations de la vallée. Situé à 900 mètres seulement au nord-ouest de la cheminée, sa zone d’appel est donc indirectement menacée par la séquence : diffusion atmosphérique + précipitation + concentration alluvionnaire des produits polluants.