
N° 9 - 2003
L'ÉROSION KARSTIQUE
Pierre de Bretizel
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Elle résulte de la dissolution lente par les eaux météoriques des roches carbonatées (calcaires, dolomies, cipolins)
d'une part et des roches évaporitiques (gypse, anhydrite, sel gemme) d'autre part. Le mot « karst », en allemand,
dérive du slave « kras ». C'est probablement aussi l'origine du mot « causse » en français. La dissolution des
roches carbonatées sous forme de bicarbonate a lieu grâce aux infiltrations d'eaux pluviales chargées d'acides
humiques par leur passage au travers des sols suivant la formule : Ca C03 + H20 + C02 = Ca (HC02)2.
À température normale, ces eaux dissolvent jusqu'à 0,3 gramme de carbonate de calcium par litre. Lorsque la teneur
de la roche en carbonate de calcium est maximale (calcaire pur), la dissolution est plus rapide et plus complète.
Lorsque la teneur en carbonate double calcium - magnésium est élevée (dolomie), la dissolution est lente et
incomplète : des îlots de dolomie demeurent, donnant à la roche attaquée une texture spongieuse typique appelée
« cargneule ». |
Les résidus insolubles (principalement minéraux argileux et oxydes de fer) s'accumulent sous forme d'argile rouge
dite de décalcification (syn. Terra Rossa). Le modelé karstique est le résultat de cette érosion chimique,
laquelle peut être accentuée par une érosion mécanique due à l'action des eaux courantes désagrégeant les roches plus
ou moins intensément suivant leur cohésion et la vitesse d'écoulement. L'érosion karstique s'exerce en surface
comme en profondeur : En surface Les figures caractéristiques du modelé karstique sont les suivantes
:
- Dolines
Petits effondrements en entonnoirs isolés ou en groupe, ou en ligne le long des fractures ou des
failles affectant un massif calcaire.
- Poljiés
Grands effondrements donnant de vastes dépressions fermées dont
le fond est occupé par des argiles résiduelles de décalcification. Elles sont généralement fertiles, favorisant des
pâturages ou des cultures. Les poljiés se forment généralement par effondrement de la partie aval des réseaux
souterrains.
- Vallées sèches
Elles sont les témoins d'anciens écoulements de surface qui ont peu à peu
dissous le fond rocheux de leur lit et ont disparu en profondeur. Elles soulignent généralement le tracé des failles
et des fractures affectant le massif calcaire.
- Lapiaz
A la surface des plateaux calcaires, les lapiaz forment
des réseaux de minces fissures créés par une dissolution préférentielle le long des diaclases et des fractures :
l'aspect général de la surface prend alors un aspect craquelé. Lorsque le phénomène est accentué, le plateau se
présente comme un ensemble de masses ruiniformes (exemple : le chaos de MONTPELLIER-LE-VIEUX). En climat tropical,
les eaux pluviales plus chaudes, plus abondantes et plus acides lors de la traversée des sols exacerbent le processus
: les lapiaz fortement attaqués se transforment en un réseau serré d'aiguilles rocheuses séparées par des vides
profonds de plusieurs dizaines de mètres rendant le terrain impraticable même à pied.
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- Avens (synonyme : gouffre)
Cavités verticales atteignant la surface. Tantôt étroits, creusés à partir d'une faille ou d'une fracture, tantôt
larges et circulaires résultant de l'effondrement de la voûte d'une salle souterraine (exemple : le gouffre de
PADIRAC).
- Grottes
Cavités horizontales débouchant à la surface au flanc des vallées entaillant les plateaux
calcaires. Lorsqu'un cours d'eau en sort, on parle d'exsurgence active. Lorsqu'elles sont sèches, il s'agit
d'exsurgences fossiles correspondant à un ancien niveau d'écoulement.
- Pertes (synonyme : embut)
Point où un
cours d'eau de surface disparaît dans le sol. En aval, le lit de la rivière apparaît à sec en période d'étiage. En
période de hautes eaux, la rivière peut couler en aval de la perte mais son débit est inférieur au débit en amont de
la perte.
- Résurgence
Point où un cours d'eau réapparaît en surface en aval d'une perte.
Le milieu
souterrain Il est souvent pénétrable par l'homme : c'est le domaine de la spéléologie, discipline à la fois
sportive et scientifique qui s'applique aux seuls massifs calcaires. Les massifs gypseux, attaqués par l'érosion
karstique, ne sont pas pénétrables car la dissolution très rapide entraîne immédiatement des effondrements et des
tassements. Les spéléologues emploient des termes spécifiques dont les plus courants sont définis ci-après :
- Puits
Cavité verticale ne pouvant être franchie qu'à l'aide d'un matériel de descente et de remontée :
pitons, cordes, descendeurs, remonteurs, treuils, échelles souples. Un puits résulte de l'érosion d'une fracture ou
d'une fissure verticale. Il est souvent évasé vers la base. On admet que certains ont pu être creusés par dissolution
chimique de bas en haut, couplée ou non à une érosion mécanique des eaux venues du haut.
- Galerie fossile
Cavité horizontale sèche ou ne comportant que des laisses d'eau résiduelles. Les galeries fossiles sont
fréquemment partiellement remblayées par de l'argile rouge de décalcification.
- Galerie active
Cavité
horizontale où s'écoule un cours d'eau. Galeries fossiles et actives résultent généralement de l'érosion de joints
interstrates. Leur tracé est souvent très capricieux du fait de leur intersection avec des fractures de directions
variables. Lorsque le niveau de l'eau atteint le plafond et que la progression n'est plus possible qu'en plongée,
on a une galerie « noyée » ou « siphon ». Lorsque plusieurs cours d'eau souterrains confluent pour former un seul
conduit, on a un collecteur.
- Méandre
Galerie très étroite et très haute, à tracé sinueux. Le fond de ce type de cavité se termine en
sifflet et est donc impraticable. Dans un méandre, on progresse en opposition en prenant appui sur les deux parois.
Un méandre est induit par une fracture verticale.
- Laminoir
Galerie horizontale très basse ne permettant la
progression que par reptation. Le laminoir est induit par un joint interstrate.
- Chatière
Passage très étroit
ne se franchissant qu'en forçant le corps, un bras en avant pour effacer les épaules.
- Toboggan
Galerie à pente
très inclinée obligeant à utiliser les techniques de l'escalade.
- Concrétions
Les eaux percolant à travers les
calcaires fissurés se chargent peu à peu en bicarbonate de calcium. Ce bicarbonate, au contact de l'air des cavités
souterraines, précipite en carbonate de calcium sous forme cristalline orthorhombique : c'est l'aragonite qui a la
même composition chimique (C03 Ca) que la calcite qui, elle, est rhomboédrique. L'agrégation progressive des cristaux
d'aragonite construit les différentes formes de concrétions : stalactites, stalagmites, planchers stalagmitiques,
cascades stalagmitiques, draperies, gours, etc. Dans certains cas, le concrétionnement est tel qu'il finit par
colmater les conduits souterrains. On peut également observer des concrétions de gypse (S04 Ca2 H20) lorsque les eaux
souterraines traversent des niveaux gypseux à l'intérieur des calcaires.
Réseaux A l'intérieur d'une
formation calcaire ou d'un massif calcaire soumis à l'érosion karstique, toutes les cavités créées par la dissolution
carbonatée, aidée ou non par une érosion mécanique, sont organisées en un réseau où circulent ou ont circulé les eaux
souterrains. Un réseau souterrain est un réseau hydrographique au même titre qu'un réseau hydrographique de surface
avec des affluents primaires, secondaires, etc. qui rejoignent un collecteur principal dont le débit représente la
totalité de l'eau souterraine drainée dans le massif. Dans les réseaux souterrains, la vitesse de transfert est du
même ordre que la vitesse d'écoulement des eaux de surface. Elle est fonction de la différence d'altitude entre les
points d'engouffrement et l'exutoire ou les exutoires. Les réseaux souterrains peuvent atteindre des dimensions
considérables. Citons quelques chiffres d'après une statistique datant de 1997 - Le plus long réseau du monde est
le « Mammoth cave system » aux Etats Unis. Il atteint 564 kilomètres de développement de galeries pénétrables.
- En France, le plus long réseau est celui de la « Coume d'Hyouernedo » en Haute Garonne avec 95 kilomètres.
- Les plus grandes dénivellations explorées par les spéléologues se situent évidemment dans des massifs
montagneux. La plus grande profondeur explorée dans le monde est en France, en Haute Savoie : c'est le réseau Jean
Bernard à -1.602 mètres, suivi de près par le Lamprechstofen Verlorenen Weg Schacht près de Salzbourg en Autriche où
la cote -1.537 mètres a été atteinte. De nouvelles explorations sont en cours qui permettront peut-être de dépasser
ces records.
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