N° 6  -  2000

 

LES SOURCES DE LA GORDOLASQUE (Mercantour)

 

Des observations sur la tectonique récente et les formations paléoglaciaires recueillies depuis plusieurs années, puis reportées sur la carte au 1/25.000, permettent de mieux comprendre l'origine des eaux de la haute vallée de la Gordolasque.

Seules deux sources de roche pérennes ont pu être repérées et étudiées. Elles montrent la part minime que représentent les eaux souterraines dans le débit annuel du torrent principal issu du lac de la Foux.


Vous pouvez aussi consulter cet article au format pdf
Le chargement peut être assez long
si vous ne disposez pas d'une connexion haut débit.
Il se fera sur une autre fenêtre
pour vous permettre de continuer à naviguer pendant le chargement

Télécharger le fichier pdf


I - LES SOURCES DE LA GORDOLASQUE

La Gordolasque est un affluent de rive gauche de la Vésubie, elle­même affluent de rive gauche du Var.
Le point le plus haut de son bassin versant se situe à la cime du Gelas (point culminant de la partie française du massif de l'Argentera Mercantour) à une altitude de 3.143 mètres. Le point le plus bas de son bassin versant au confluent avec la Vésubie est à une altitude de 540 mètres. La dénivellation totale est donc de 2.600 mètres sur une distance à vol d'oiseau de 16 kilomètres, soit une pente moyenne de 16 %. Le régime torrentiel des cours d'eau du bassin résulte d'une telle pente.

1. Hydrographie de la partie haute du bassin versant
Dans la partie amont du bassin, le cours d'eau principal est le collecteur de cinq vallons tributaires qui se déversent dans le lac de la Foux. Ce lac occupe un replat, la "plaine de la Foux", à l'amont d'un verrou glaciaire à la cote 2.173 mètres. Il est retenu par un barrage qui a pour rôle d'écrêter les crues dues à la fonte des neiges et aux orages de l'été. Les excédents sont évacués par un canal souterrain aboutissant à une conduite forcée qui alimente en énergie une centrale électrique située en fond de vallée, à 1,5 km en amont de la chapelle de SAINT GRAT.

2. Contexte géologique à l'amont du lac de la Foux
La "plaine de la Foux" et les reliefs qui l'entourent ont pour soubassement rocheux un granite à enclaves amphibolitiques et des anatexites (gneiss migmatites). Ces formations sont la continuation à l'ouest de failles décrites dans notre étude sur la région des Merveilles (cf. bibliographie ci-après). La carte géologique à 1/50.000 (feuille de SAINT MARTIN VÉSUBIE) est totalement muette en ce qui concerne la tectonique dans ce secteur.
L'examen stéréoscopique des photos aériennes y montre cependant le développement d'un réseau de failles et de fractures récentes.
Nous avons procédé à un examen attentif de ces accidents tectoniques par traitement d'image satellite et par contrôle direct sur le terrain. Leur cartographie est présentée avec une lettre les identifiant.

(a) Faille du vallon de la Foux
- Extension longitudinale : de la cime de Niré jusqu'au pied sud-est du Mont Clapier: 2,5 kilomètres
- Signature géomorphologique couloirs rocheux au nord et au sud de la cime de Niré. Éperon rocheux de la cime Asquasciati (sud du sommet du Mont Clapier)
- Classe: faille normale à regard sud-est
- Estimation du rejet: 120 mètres sous la cime Asquasciati
- Direction: N 24° E entre la cime de Niré et le fond du vallon de la Foux, N 42° E le long de la cime Asquasciati
- Pendage: 55° vers le sud-est. Mesure sur le terrain

(b) Faille du lac Autier
- Extension longitudinale: du flanc sud du vallon du lac Autier au pas est du Mont Clapier, puis sur le versant italien longueur supérieure à 3, 5 km. Sur le versant italien, le prolongement de cette faille est masqué par le glacier du Clapier.
- Signature géomorphologique : alignement de barres rocheuses sur le flanc sud du vallon du lac Autier. Couloir rocheux sous la crête est de la tête du lac Autier. Éperon rocheux de la cime de la Foux.
- Classe: faille normale à regard ouest
- Estimation du rejet: 90 mètres à la cime de la Foux. Direction: N 20° E
-Pendage : 45° ouest, d'après la différence angulaire en direction de la zone entre la crête du lac Autier et le fond du vallon de Chamineye

(c) Faille du vallon du Mont Clavier
- Extension longitudinale: de la "plaine de la Foux" au point coté 2.695 mètres à l'ouest du Mont Clapier: 1,5 km
- Signature géomorphologique : tracé rectiligne et encaissé du vallon du Mont Clapier
- Classe : fracture à rejet insignifiant
- Estimation du rejet : ?
- Direction: N 37° E
- Pendage:?

(d) Fermeture nord du graben de Fontanalba
Cette structure est décrite dans "Les failles aquifères du Mont Bego" - in Riviera Scientifique, oct 1999, p. 60.
Les deux failles bordières du graben se rejoignent sur les pentes nord de là baisse du Basto, refermant ainsi la structure d'effondrement par un biseau orienté N 140° E. Ce biseau suit approximativement la zone axiale du grand linéament transalpin Clapier-Merveilles.

(e) Fracture à rejet insignifiant
Allant du vallon du Mont Clapier au vallon de la Foux.
Sa direction est N 135 °E. Elle recoupe les failles du vallon du Mont Clapier et du vallon de la Foux. Son pendage est subvertical, vers le nord.

3. Hydrogéologie des sous-bassins versants en amont du lac de la Foux
Nous avons vu ci-dessus (§ 1) que le lac de la Foux, qui donne naissance au collecteur principal de la vallée, recevait les eaux de cinq vallons tributaires.
Nous avons effectué une recherche sur les sources éventuelles qui alimentent les torrents de ces cinq vallons.
De l'est vers l'ouest, voici ce que nous avons observé :

3.1. Vallon du Chamineye
Le cirque amont, très escarpé, est modelé presque uniquement par l'érosion glaciaire. Les couloirs de roche sont déterminés par des diaclases profondément crevassées, en partie colmatées par la glace dans les parties hautes des crêtes. Il en résulte que ces "crevasses" sont parcourues en permanence par des eaux de fonte qui tombent en cascatelles successives jusqu'à un petit lac situé au fond du cirque.
Le fond du cirque est remblayé par des éboulis et une moraine résiduelle d'où sourdent les eaux ruisselant des parois environnantes. Nous n'avons trouvé aucune émergence issue directement de la roche.
Les eaux du vallon de Chamineye sont donc probablement uniquement des eaux de surface d'origine nivale et pluviale.

3.2. Vallon de la Foux
Le cirque amont de ce vallon a, comme celui de Chamineye, des parois escarpées avec des dénivelées importantes. Il est soumis comme lui à un régime d'érosion nival et pluvial. Un ruisseau sourd des dépôts morainiques occupant le fond du cirque. Ces dépôts de blocs et de cailloutis plus ou moins fins jouent probablement le rôle de réservoir de rétention, avec une émergence à son point bas (source de moraine).
Plus en aval, environ 1 km avant le débouché du vallon dans la plaine de la. Foux (refuge CAF), le ruisseau franchit un ressaut rocheux. A ce point, on observe une émergence (n° 1 sur la carte) sourdant de la roche en mélangeant ses eaux à celles du ruisseau. Un plan de faille apparaît bien visible avec une direction N 40° E et un pendage vers le sud-est de 55 °. Il s'agit bien de la faille (a) du vallon de la Foux, repérée sur photo satellite et photo aérienne.
En fait, la source de roche se situe au point d'intersection de cette faille avec une fracture orientée N 135° E (indiquée (e) sur la carte). Les eaux souterraines dont elle représente l'exutoire ont probablement pour origine une bonne partie des eaux nivales et pluviales infiltrées dans les diaclases des escarpements de la cime Asquasciati sur le versant sud du mont Clapier mais également de la crête séparant le vallon de Chamineye du vallon de la Foux Dans les deux cas, la faille (a) joue un rôle de drainage important.

Remarque: dans le guide d'alpinisme de V. Paschetta (Tende-Gordolasque, itinéraire 117a), une source dite de "la Nymphe" est signalée dans le fond du vallon de la Foux, au pied des barres rocheuses. Elle peut correspondre soit à la source de moraine située au fond du cirque amont soit à la source de roche sortant par la faille (a).

3.3. Vallon du Mont Clapier
C'est une rainure rectiligne entaillant les anatexites qui forment le plateau incliné du flanc sud-ouest du Mont Clapier. Il est la signature géomorphologique de la faille (c) décrite au paragraphe 2. Aucun remblayage morainique n'y apparaît.
A l'intersection de cette faille (c) avec la fracture (e), une source (n° 2 sur la carte) sort directement de la roche dans le plan de faille (c) . Elle est probablement alimentée souterrainement par les eaux infiltrées du replat des petits lacs du Clapier situés à 300 mètres au nord et80 mètres plus haut en altitude.
La fracture (e) joue localement le rôle de drain. Les diaclases mineures observables sur toute la surface du plateau du flanc sud-ouest du Clapier infiltrent probablement des eaux pluviales et nivales qui ressortent aussi à cette source.

3.4. Vallon du lac Long
Le torrent du lac Long est alimenté, comme son nom l'indique, par les eaux du lac Long. Ce lac est encaissé dans un vaste cirque d'origine glaciaire dont les parois sont les escarpements du flanc sud-est du Mont Gelas, culminant à 3.143 mètres, ainsi que la crête de la Malédie au nord-est, culminant à 3.059 mètres.
Des reliques de terrasses morainiques s'étagent épisodiquement sur les flancs du cirque ainsi que de longs couloirs d'éboulis descendant jusqu'au niveau du lac (2.566 mètres).
Nos observations n'ont pu y déceler aucune source de roche.
Le lac et son déversoir ne sont donc alimentés que par les eaux de surface résultant de la fonte des neiges et des pluies d'été.

4. Commentaire
En conclusion, seules deux sources issues d'eaux souterraines sont à l'origine de la Gordolasque. On peut estimer que plus des 9/10 du débit annuel du collecteur issu du lac de la Foux proviennent du ruissellement de surface avec deux pointes climatiques par an: la fonte des neiges (avril-mai) et les orages d'été (juillet-août).

 

II - LA SOURCE DU TORRENT DE LA GORDOLASQUE (Parc National du Mercantour)
Compte rendu de la sortie des 25 et 26 août
Par Antoine Richard, collégien au Collège Saint François de Salles à Chambéry, classe de 4ème

1. La vallée de la Gordolasque entre SAINT GRAT et le refuge du C.A.F. de Nice
SAINT GRAT se trouve en montagne, dans le parc national du Mercantour. Nous sommes partis de SAINT GRAT pour le refuge du C.AF de Nice le mercredi 25 août à gh00. Nous étions une dizaine pour cette exploration. Au fur et à mesure de notre progression, les forêts diminuaient fortement. Après une demi-heure de marche, nous pouvions distinguer des gneiss avec des lignes de minéraux courbes et tortillées. Avant le "mur des italiens", qui date de la seconde guerre mondiale et était autrefois l'ancienne frontière entre la France et l'Italie, nous ne pouvions distinguer que de la verdure, des éboulis et des sources. Le relief est dû aux glaciers avec une vallée en forme de U qui date du quaternaire.
Après le "mur des italiens" (2.030 mètres), se dressent de part et d'autre du sentier la cime de la Roche Garbière à l'est et le mont Neiglier à l'ouest. Nous pouvions aussi apercevoir l'ancien verrou du glacier et le torrent qui en sort. De nombreux éboulis dominaient nettement notre parcours. Comme le parc national du Mercantour est un site protégé, il n'y avait aucun alpage.
Après deux heures de marche, un barrage se dressait devant nous et le lac de la Foux derrière celui-ci. L' eau du lac provient des montagnes avoisinantes. Près du lac, nous avons pu apercevoir des papillons de la famille des hérébas (on ne trouve ces papillons qu'au-dessus de 1.200 mètres). En montagne, on peut trouver du gneiss fracturé autour du granite. Sur certains gneiss, on pouvait voir du mica noir (biotite) et du mica blanc (muscovite).
Après trois heures de marche, nous sommes arrivés au refuge de Nice qui est à 2.232 mètres d'altitude. Le relief depuis SAINT GRAT jusqu'au refuge est du type glaciaire : on peut voir les marques de l'érosion glaciaire. Un peu plus loin, nous avons pu découvrir après le barrage une source non indiquée sur la carte. Durant cette partie de la promenade, nous avons eu un ciel bleu et clair.

2. Le vallon de la Foux : "la source de la Nymphe"
Nous sommes partis du refuge vers 14h00 pour le vallon de la Foux qui se trouve à l'est du refuge. Le temps était nuageux et frais. Après une demi-heure de marche, nous avons pu apercevoir un troupeau de chamois, quelques marmottes et des grenouilles. Nous avons pu voir sur le sol des gentianes jaunes, des fougères, des sphaignes et des rhododendrons; dans le cirque de la Foux, de nombreuses failles et des marques de glaciers. Sur la roche, on pouvait voir du mica noir (biotite) et du mica blanc (muscovite). La forme du relief est du type glaciaire. Dans tout le vallon de la Foux on peut distinguer des éboulis.
Nous avons découvert une source, "la Nymphe". A la source de la Nymphe, nous avons pu observer une faille de direction N65° avec une inclinaison de 55° sud. L'altitude était de 2.350 mètres.
Des bouquetins et des chèvres ont été vus au sommet du vallon de la Foux.

3. Le vallon de Chamineye
Le lendemain matin vers gh00, nous sommes partis voir si une source ne se trouvait pas au vallon de Chamineye. Après une heure et demie de marche, nous avons pu voir un névé près du lac de Niré et nous avons entendu quelques grenouilles. Nous avons observé une faille au deuxième lac du vallon de Chamineye avec une direction N143°, faille à pendage 60° vers l'ouest avec des remplissages de calcite et des cannelures. Nous avons aussi vu de l'acide tanique dans les deux lacs du vallon entourés par des conglomérats et une moraine glaciaire. On a aussi observé des filonnets de quartz et de chlorite dans le granite. Arrivés à un troisième lac, Pierre de Bretizel nous a affirmé qu'aucune source ne se trouvait dans le vallon de Chamineye.
Au retour, toujours dans le vallon, nous avons pu voir des traces de loups et louveteaux dans une mare asséchée.