N° 6  -  2000

 

LES CONFINS ORIENTAUX DU DÔME DE MARCHENOIR - LES SOURCES DE LA LISSE

 


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Le dôme tectonique de Marchenoir est, dans sa partie sud-est, à l'origine du bassin versant de la Cisse, affluent de la Loire. Les formations argilo-siliceuses de l'Éocène inférieur continental y affleurent, formant un paléo-relief péninsulaire dans l'ancien lac de Beauce d'âge Lutétien à Aquitanien.
L'Éocène inférieur apparaît imperméable mais quelques niveaux conglomératiques siliceux sont localement aquifères et donnent de rares sources intermittentes.
Les formations calcaires lacustres d'âge Lutétien et Aquitanien entourent le dôme et en reçoivent les eaux pluviales et les ruisseaux intermittents.
Au sud du dôme ces eaux se perdent dans les réseaux Karstiques souterrains et résurgent à la base du calcaire en deux exutoires principaux, près de Pontijou. La source du Bois Brûlé et la source du Marais de Maves, à partir desquelles le cours de la Cisse devient pérenne.

 

1 - CADRE GEOGRAPHIQUE

Les terrains faisant l'objet de la présente étude prolongent vers le sud-est la partie déjà étudiée en 1997 du dôme de Marchenoir.
Les communes dont le territoire est concerné sont

- Viévy-le-Rayé
- Oucques
- St Léonard-en-Beauce
- Marchenoir
- La Madeleine - Villefrouin
- Le Plessis - L'Echelle
- Roches
- Briou
- Lorges
- Villermain
- St Laurent-des-Bois
- Pontijou

Le nord de la zone d'étude est couvert par le massif forestier de Marchenoir. Au sud, c'est la Beauce Blésoise (Petite Beauce), plaine céréalière. L'ensemble forme un plateau légèrement pente vers le sud, entre 100 et 150 m d'altitude.

 

2 - CADRE GEOLOGIQUE

Le dôme de Marchenoir est le prolongement vers le sud-est du dôme de Fréteval, l'ensemble appartenant à une structure anticlinale ancienne dont la direction nord­ouest sud-est la rattache aux grands linéaments armoricains.

2.1 Lithologie
Dans la partie haute du dôme, l'Éocène détritique continental affleure : formations argilo-sableuses à niveaux de silex et à conglomérats siliceux. Sur leur pourtour ces formations sont recouvertes par une séquence carbonatée lacustre dont l'âge s'étend du Lutétien (Éocène) à l'Aquitanien (Miocène).

2.2 Paléogéographie
La ligne d'affleurement actuelle des calcaires lacustres autour de l'Éocène continental correspondrait approximativement à l'ancien rivage du "Lac de Beauce". On n'observe, en effet, aucun témoin ou reste de la série calcaire dans la partie centrale du dôme occupée par les formations argilo-sableuses à silex.
La carte paléo-géographique de la région pendant la période Éocène supérieur -Miocène inférieur peut se dessiner de la manière suivante (figure 1) :
Une péninsule émergée, au relief peu marqué, s'avance vers le sud-est dans le Lac de Beauce, à 15 km environ en avant de la ligne du rivage occidental (rive gauche de la vallée actuelle du Loir). Autour de cette péninsule, les variations d'épaisseur des dépôts sédimentaires lacustres indiquent une paléo-morphologie du fond du lac paraissant déterminée par des accidents tectoniques antérieurs.
Le cas le plus marquant est celui de la faille de Saint-Claude (décrite dans notre étude précédente dans la Chronique N° 4-1997) : cette faille, d'extension régionale, affecte en surface les niveaux durs de silexites et les conglomérats siliceux de l'Éocène inférieur. Elle se prolonge vers le sud-est suivant une direction N165E, au sud de Viévy-le-Rayé et disparaît sous les calcaires lacustres. Dans son prolongement les données apportées par de nombreux forages montrent que l'épaisseur des calcaires lacustres augmente rapidement pour former un fossé allongé, rectiligne, de même direction, jusque dans la région de Sermaise.
L'allure rectiligne de ce fossé et sa direction indiquent une morphologie de faille, affectant le fond du lac.
Cet accident est antérieur à la période du dépôt des calcaires lacustres. En effet, la photo-interprétation que nous avons effectué dans ce secteur n'indique pas d'accident majeur affectant ces calcaires.

3 - HYDROGEOLOGIE
Les 3/4 de la zone d'étude appartiennent à l'amont du bassin versant de la Cisse et de son affluent la Sixtre. La signification de ces noms de rivière est intéressante d'un point de vue toponymique: en effet, l'ensemble du massif forestier de Marchenoir et les plaines environnantes appartenaient, il y a plusieurs siècles, à l'ordre monastique de Citeaux, dit ordre Cistercien. Il est probable que le mot "Cisse" dérive du mot "Sixtre" lequel est peut­être une contraction de "Cistercien".

3.1.Le système hydrographique de surface
La partie sud des affleurements de l'Éocène inférieur donne naissance à une série de petites sources et d'émergences diffuses donnant des ruisseaux intermittents.
La carte de la figure 2 donne la position des principales de ces émergences :
n° 1 : St Mandé - Commune de Viévy-le-Rayé
n° 2 : La Maison d'Ahaut Commune de St Léonard
n° 3 : Verdet - Commune de St Léonard
n° 4 : Marchenoir
n° 5 : Grand-Biche - Commune de St Léonard
n° 6 : Le Plessis - L'Echelle
n° 7 : La Fosse au Sanglier - Commune de Lorges
n° 8 : Lorges
n° 9 : La Maison Carrée - Commune de St Léonard

Sauf la source de St Mandé (n° 1) qui coule vers le ruisseau de Viévy-le-Rayé et le Loir, elles sont toutes à l'origine du bassin de la Cisse.
Une partie des cours d'eau intermittents issus de ces émergences confluent dans le secteur de Bourrichard, au sud de Marchenoir, pour former le cours proprement dit de la Sixtre. Les autres se perdent dans les calcaires lacustres.

3.2 .Les eaux souterraines
Les formations aquifères dans le secteur d'étude sont, de bas en haut dans l'ordre stratigraphique :

- Les calcaires crayeux marins du Sénonien-Turonien
Ils n'affleurent pas ici, mais ils ont été reconnus dans de nombreux forages. Ils constituent la ressource principale de la région en eau d'irrigation et en eau potable. Ce sont des aquifères de type fissural karstique. Leur karstification est probablement antérieure au dépôt des formations argilo-siliceuses de l'Éocène inférieur. En effet ce dépôt a succédé à une période d'émersion plus ou moins longue, à la fin du Crétacé, au cours de laquelle les calcaires sénoniens-turoniens ont été soumis à l'érosion karstique.

- L'Éocène inférieur continental
Formation argilo-sableuse comprenant de nombreux bancs de silex et de conglomérats siliceux. Les derniers sont aquifères lorsqu'ils sont fracturés et donnent les sources et émergences citées ci-dessus. Mais pris dans son épaisseur totale, il constitue ici un écran relativement imperméable séparant l'aquifère sous-jacent du Sénonien-Turonien de l'aquifère des calcaires éocène­miocène affleurant autour du dôme de Marchenoir.

- Les calcaires lacustres éocène supérieur - miocène
Ils constituent un aquifère de type fissural à érosion karstique actuelle. Reposant sur la formation imperméable de l'Éocène inférieur, ils sont soumis directement aux infiltrations des eaux pluviales qu'ils drainent dans des réseaux ramifiés souterrains.

Dans le bassin versant de la Cisse
on peut distinguer trois sous­bassins présentant différents stades d'évolution de l'érosion karstique :

a) Au sud d'une linge Marchenoir - Roches :
on observe en surface un faisceau de vallons se rejoignant au nord de Bourrichard au lieu-dit "La Poche du Berger". Ces vallons entaillent les calcaires lacustres jusqu'à leur base, provoquant ainsi un découpage et un recul important de la ligne d'affleurement originelle des calcaires.
Les cours d'eau intermittents coulent ici sur le substrat argileux de l'Éocène inférieur à partir des sources et émergences n° 3, 4, 5 et 9. Il est probable que ce réseau n'est pas seulement le résultat d'une érosion de surface mais également celui d'une érosion souterraine par dissolution chimique de la couverture calcaire, arrivée à un stade ultime en remontant vers la surface.
A l'aval de la "Poche du Berger" le régime de surface devient permanent pour former le cours proprement dit de la Sixtre. Plus en aval, à la Madeleine-Villefrouin, la rivière disparaît en presque totalité dans une perte (point n° 10). Au-delà de cette perte, la vallée se poursuit avec un cours d'eau très réduit dont l'alimentation paraît provenir en grande partie du drainage agricole artificiel. D'ailleurs sur la carte géologique au 1/80.000ème dont le fond topographique date de 1906, la vallée de la Sixtre en aval de la Madeleine-Villefrouin est indiquée "sèche", ce qui devait être le cas avant la mise en place du réseau de drainage actuel qui utilise l'ancienne vallée sèche comme collecteur-exutoire. Les eaux de la Sixtre réapparaissent en surface par une résurgence située à 8,5 km en aval de la perte de la Madeleine, à la tête du Marais de Maves (cote NGF + 101 m.).

b) Au sud de St Léonard-en­Beauce :
on observe un réseau karstique présentant un stade d'évolution moins avancé que dans le cas précédent : les ruisseaux intermittents coulant sur le substrat imperméable de l'Éocène inférieur (point N° 2 et autres émergences) s'engouffrent dans une perte des calcaires lacustres au sud de la ferme de Montigny (point N° 11).
A l'aval de ce point part une vallée sèche, la "vallée Gassante" qui se dirige vers le sud-ouest sur 6 km, jusqu'à une résurgence (point N° 13) qui est la source principale de la Cisse (cote NGF + 105 m).
A l'ouest de St Léonard, la ligne d'affleurement des calcaires lacustres est découpée en deux indentations en relation avec des failles post-miocènes. Les indentations qui rassemblent les eaux pluviales de l'amont se terminent en aval en deux vallées sèches qui se rejoignent dans une dépression du plateau calcaire appelée "Fosse Langlois". Il y a probablement ici un réseau karstique souterrain, affluent du collecteur souterrain principal de la Vallée Gassante qui émerge à la source de la Cisse.

c) La partie amont de la Sixtre, à l'extrémité sud-est du Dôme de Marchenoir :
Le cours d'eau en sur face est intermittent, à débit très faible. Il provient partiellement d'une petite source située au nord de Briou : la Fosse au Sanglier (point N° 7). Il longe la limite nord des calcaires lacustres sans y pénétrer.
Le régime karstique est ici à un stade d'évolution précoce, avec infiltration des eaux par des microfractures dans les calcaires. La source de Lorges (point N° 8) qui sourd des perrons siliceux sur lesquels est bâti le village a un débit intermittent très faible. Ses eaux se perdent dans le fond d'une indentation de la ligne d'affleurement des calcaires au lieu-dit "Croix de Villemuzard". Cette perte rejoint probablement le système karstique de la Sixtre mais son apport est extrêmement faible.

4 - CONCLUSION
La Cisse et son affluent la Sixtre ont pour origine principale de leur cours permanent deux résurgences émergeant à la base des calcaires lacustres de l'Éocène supérieur :

a) La résurgence de la Cisse 
est située au lieu-dit "Bois Brûlé" à 2,5 km au nord de Pontijou. Elle est alimentée par un réseau karstique souterrain ayant pour origine les pertes des eaux de surface de la Fosse Langlois et de la vallée Gassante à 5 km au nord-est. Ces pertes sont elles-mêmes alimentées par les eaux pluviales et les ruisselets coulant sur le substrat argilo-siliceux de l'Éocène inférieur dans le secteur de Saint-Léonard-en-Beauce.

b) La résurgence de la Sixtre
est située à la tête du marais de Maves à 1,5 km à l'est de Pontijou. Elle est alimentée par un réseau karstique souterrain ayant pour origine la perte du cours supérieur de la Sixtre dans les calcaires lacustres, àla Madeleine-Villefrouin à 8,5 km au nord-est.
Plus en amont, le cours supérieur de la Sixtre n'est permanent qu'à partir de Bourrichard, au confluent des ruisseaux intermittents descendant du secteur de Marchenoir d'une part et du secteur de Briou et Lorges d'autre part.
Cette partie amont, intermittente et de très faible débit, s'écoule sur le substrat argilo-siliceux de l'Éocène inférieur qui affleure en fond de vallon entre les plateaux calcaires de l'Éocène supérieur .