
N° 4 - 1997
LES FAILLES DU MONT FÉRION
DANS LA PARTIE OCCIDENTALE DE L'ARC DE NICE
(1ère partie)
Pierre de BRETIZEL
 |
La cartographie et les observations tectoniques sur le terrain ont continué sur la crête du Mont FÉRION, qui forme la partie la plus élevée de la partie occidentale de l'Arc. De nouvelles structures d'effondrement aquifères ont été mises en évidence entre le col de CHÂTEAUNEUF et BENDÉJUN. Elles sont du même type et probablement du même âge que l'effondrement de ROCASPARVIÉRA, étudié en 1996. La crête du FÉRION apparaît donc dans son ensemble comme une vaste zone tectonique de distension.
Tectonic field mapping continued over the FÉRION range, which is the highest relief on the western branch of the Arc. New aquiferous collapse structures have been outlined again between CHÂTEAUNEUF and BENDÉJUN. They are similar to the ROCASPARVIÉRA collapse outlined in 1996 and probably as
old. Therefore the FÉRION range appears on the whole as a large zone of tectonic distension. |
|
Vous pouvez aussi consulter cet article au format pdf
Le chargement peut être assez long
si vous ne disposez pas d'une connexion haut débit.
Il se fera sur une autre fenêtre
pour vous permettre de continuer à naviguer pendant le chargement
Télécharger le fichier pdf
|
Le secteur d'études présenté ici comprend la partie sud de la Crète du Férion entre les cols de CHATEAUNEUF et de
BENDEJUN. Il s'étend vers l'Est jusqu'à la rive droite du Paillon. Le flanc oriental de la crête est très escarpé, culminant à 944 m, soit 700 m environ au dessus du cours du Paillon. Le flanc occidental présente un relief plus adouci.
I - CONTEXTE GEOLOGIQUE
Les formations lithologiques affleurantes sont, aux variations d'épaisseur près, celles décrites dans le secteur de ROCCASPARVIERA (cf. Chronique des Sources et Fontaines N° 3 - 1996).
Sur le plan de la tectonique, l'interprétation de la carte au 1/50.000 sur ce secteur est très difficile du fait de l'imprécision des contours par rapport à la morphologie du terrain.
Selon B. GÈZE, auteur de la carte, la crête du Férion serait un grand pli-faille déversé vers l'Est. Si l'on essaye de modéliser une telle structure dans l'ensemble tectonique de l'arc de Nice dont la phase paroxystique est une poussée vers le sud-ouest on arrive à une aberration tant sur le plan géométrique que sur le plan du champs des contraintes dynamiques : le Férion serait le seul "chevauchement" vers l'Est à contre courant dans un ensemble chevauchant vers le sud-ouest. B. GÈZE constate lui-même une telle aberration et tente de l'expliquer par des refoulements locaux de couches à déformation uniquement plastique (style diapir).
Tout ceci paraissant peu convaincant nous avons effectué en 1997 un levé géologique détaillé de terrain au 1/25.000, appuyé par un traitement de l'image satellite SPOT et par un examen stéréoscopique des photos aériennes
IGN. Les résultats de cette étude sont présentés ci-après.
II - RÉINTERPRÉTATION TECTONIQUE DU SECTEUR SUD DE LA CRÊTE DU FÉRION
L'analyse géomorphologie, appuyée par les relevés d'affleurements montre une importante structure d'effondrement
(collapse) à concavité vers l'Est affectant le flanc Est du mont FÉRION. D'autre part une série de failles, normales à regard Sud orientées N 60 E, distensives recoupent orthogonalement la vallée du PAILLON ; à chacune correspond une dénivelée vers le sud-est indiquant ainsi une descente de l'ensemble du bassin du PAILLON vers la zone littorale. Leur dessin en "chevrons", dont les pointes sont situées aux points bas de la vallée, indique un pendage vers le sud-est, pour un grand nombre d'entre elles.
Deux d'entre elles affectent la crête du FÉRION en provoquant également des ruptures de pente en "marche d'escalier", perpendiculaire à la crête. Ainsi au col de BENDÉJUN le dénivelé atteint 20 m entre le Nord et le Sud du col et au col de CHATEAUNEUF le dénivelé atteint 30 à 40m entre le Nord et le Sud du col.
1 - Mise en évidence des structures d'effondrement
(collapse) d'age quaternaire à actuel.
Sur le flanc Est, on observe deux lignes de ruptures en tête. La première se situe immédiatement sous la crête principale constituée par des calcaires jurassiques. La deuxième limite un gradin intermédiaire dans le secteur de ROQUEBILLÈRE. La partie affleurante de la masse effondrée y est également constituée par des calcaires et dolomies jurassiques. Ce gradin est limité au Nord et au Sud par des décrochements latéraux.
Au delà les marno-calcaires disloqués du Sénonien-Turonien constituent la partie affleurante de la masse effondrée, au dessus de BENDÉJUN et autour de
CHATEAUNEUF-VILLEVIELLE. |
Les mesures de pendages montrent que la partie effondrée ainsi que la marge de la partie effondrée à l'Ouest de la crête principale du FÉRION formaient antérieurement la voûte d'un grand anticlinal d'axe N 150 E dont il ne resterait que le flanc Ouest retombant vers la vallée de
TOURETTE-LEVENS.
Dans la frange proche de la première ligne d'effondrement, à l'Ouest sous la crête sommitale (flanc ouest de l'anticlinal) on observe sur les photos aériennes de grandes fractures parallèles à la ligne d'effondrement principale lesquelles amorcent le mouvement d'effondrement à l'Est. |
 |
2 - Le problème de la bordure occidentale du bassin Paléogène du PAILLON
A l'est d'une ligne BENDÉJUN-CONTES, se développe une épaisse série de sédiments variés paléogène, comprenant de bas en haut :
- une couche de base très discontinue de conglomérats à ciment calcaire à petit galets et débris subanguleux de roches volcaniques (type Esterel) d'origine lointaine et de roches calcaires du jurassique et du crétacé d'origine proche. Ce faciès est l'indication d'une zone littorale escarpée dans les assises jurassiques à la période lutétienne selon la notice de la carte géologique. Ces conglomérats passent vers le haut et latéralement à un calcaire dur, bien marqué en géomorphologie, contenant localement quelques éléments détritiques et une faune de foraminifères assez riche dit " calcaire nummulitique" (épaisseur 20 à 25m)
- au dessus vient une couche intermédiaire de marnes monotones de couleur grisbleu d'épaisseur très variable (0 à 50m). Son âge serait
Priabonien.
- une formation de grès tendres, moyens à grossiers, forme la partie supérieure et la plus puissante de la série paléogène ; ce sont les grès d'ANNOT d'âge oligocène qui occupent la majeure partie de la zone entre le PAILLON de CONTES et le PAILLON de PEILLE. Cette formation peut localement être transgressive sur le Priabonien et sur le Lutétien. Son épaisseur atteindrait 350 à 500m.

Cliquer sur la carte pour l'agrandir
|
Au pied des pentes du FÉRION la position de la séquence paléogène par rapport à son substratum sénonien n'apparaît pas clairement sur la carte géologique au 1/50.000. Cependant, lorsque l'on monte par la route qui va de CONTES à CHATEAUNEUF on observe tout en bas des marnes sénoniennes subhorizontales surmontées par des grès microconglomératiques oligocènes (crêtes de
Fontanilles). Continuant à monter on dépasse le niveau de ces grès et les lacets de la route sont encore dans les marnes sénoniens toujours en position subhorizontale et donc situées en altitude au dessus des grès oligocènes. Nous avons donc recherché les traces en géomorphologie d'un accident faillé (faille normale ou chevauchement) qui aurait pu donner la solution d'une telle anomalie. Nous n'avons rien trouvé. Par contre, sur le terrain, on peut observer que les grès oligocènes (Grès d'ANNOT) viennent littéralement "buter" contre un relief de marnes crétacées sans qu'il y ait de faille visible.On peut déduire que les dépôts paléogènes marins auraient eu ici pour limite un escarpement taillé dans les marnes et calcaires du Crétacé.
Cet escarpement émergé a eu probablement pour origine la grande structure anticlinale de la crête du FÉRION, érodée en son
coeur, avec une faille à regard est ayant descendu les marno-calcaires plus bas que les horizons jurassiques avant que commence la sédimentation lutétienne (voir la coupe ci-jointe). L'interprétation géomorphologique montre effectivement une linéation ancienne, orientée N140 E, reprise par la ligne d'effondrement du gradin intermédiaire de ROQUEBILLIÈRE.
La relation spatiale entre le relief du FÉRION et ses dépôts sédimentaires paléogènes du PAILLON parait donc révéler deux phases de déformations anciennes antérieures ou contemporaines du Lutétien : une phase de compression créant un bombement anticlinal d'axe nord-sud suivi d'une phase de distension créant une faille normale à regard est de direction N 140 E. C'est le compartiment abaissé de cette faille qu'aurait envahi la mer lutétienne. |
III - LES SOURCES ET LEUR CONTRÔLE TECTONIQUE ET SÉDIMENTAIRE
1 - Les aquifères sédimentaires, présents dans le secteur étudié, sont, dans l'ordre stratigraphique :
* Les calcaire et dolomite massifs du jurassique moyen et supérieur qui forment les grandes barres calcaires du flanc est du FÉRION et recouvrant le flanc ouest avec un pendage suivant plus ou moins la pente topographique. C'est un aquifère karstique.
* Les calcaires gréseux glauconieux à interlits marneux du Néocomien qui affleurent à mi pente sur le flanc ouest du FÉRION. Leur épaisseur est de 18 m au col de
TERRE-FORTE. C'est un aquifère à perméabilité mixte inter granulaire, fissural et
interstrate, en communication directe avec l'aquifère jurassique car aucun écran imperméable ne les séparent.
* Les grès d'Annot entaillés par le cours principal du PAILLON. Leur épaisseur atteint plusieurs centaines de mètres. C'est un aquifère à perméabilité inter granulaire.
2 - Les masses disloquées des marno-calcaires du Sénonien -Turonien dans l'emprise des grandes structures d'effondrement.
La dislocation entraîne dans ces roches normalement imperméables la formation de vides interstitiels qui leur confère une importante perméabilité en grand. Leur haute teneur en minéraux argileux leur donne un pouvoir de rétention par absorption des eaux souterraines .
Elles constituent donc des réservoirs de rétention, perchés à mi-pente qui ne relâchent leurs eaux qu'avec un certain retard par rapport aux précipitations. Ce n'est pas le cas des réservoirs Karstiques qui relâchent presque immédiatement leurs eaux d'infiltration.
Dans le premier cas on aura des émergences à faible débit mais très nombreuses et permanentes en période de sécheresse. Dans le deuxième cas (aquifère karstique) on aura des émergences à débit plus fort mais intermittent.
L'activité agricole, depuis des siècles, s'est particulièrement développée sur ces "réservoirs" dont les sources nombreuses permettent une bonne répartition parcellaire sur des sols calcaires riches. Ceci explique à notre avis la situation des villages de CHATEAUNEUF-VILLEVIELLE et BENDÉJUN.
3 - Les grandes failles drainantes.
En dehors des réservoirs de rétention décrits ci-dessus la plupart des eaux pluviales qui s'infiltrent à partir de la crête du FÉRION sont drainées par les décrochements et failles d'effondrement ainsi que les grandes failles normales à regard sud qui recoupent la vallée du PAILLON. Ce drainage est un des principaux facteurs d'approvisionnement de la nappe phréatique captive du bassin de CONTES.
4 - Les sources les plus importantes :
* Groupe de CHATEAUNEUF-VILLEVIELLE
- 21 émergences répertoriées
- Aquifère : marno-calcaires disloqués
- Contrôle tectonique zone d'effondrement entre le col de CHATEAUNEUF et le RAMADAN.
* Groupe de BENDÉJUN sud
- 5 émergences répertoriées
- Aquifère : marno-calcaires disloqués
- Contrôle tectonique zone d'effondrement entre la baisse de BENDÉJUN et la COLLA BASSA
* Groupe de BENDÉJUN nord
- 2 émergences répertoriées (Fontaine d'ARMETA)
- Aquifère: grès d'ANNOT
- Contrôle tectonique : ?
* Sources de ROQUEBILLIÈRE
Au dessus de la route de BENDÉJUN à CHATEAUNEUF
- 2 émergences répertoriées
- Aquifère : calcaires et dolomites jurassiques
- Contrôle tectonique : faille d'effondrement N 140 E
* Fontaine de FALCONE
Versant ouest de la crête du FÉRION prés du col de TERRE FORTE
- Une seule émergence, captée pour abreuver le bétail
- Aquifère gréseux du Néocomien à pendage de 35° vers l'ouest. Le point d'émergence se situe au toit de la formation à son contact avec les marnes du Cénomanien.
- Contrôle tectonique : pas de faille drainante. Le fort pendage vers l'ouest détermine l'émergence sur la ligne de contact avec les marnes cénomaniennes imperméables;
* Source de la MAIRE
À 12 km au nord de CONTES
- Une émergence, captée pour l'alimentation en eau potable de CONTES.
- Aquifère : grès d'ANNOT
- Contrôle tectonique : faille normale N55 E à regard sud
Documents consultés
- Carte géologique au 1/50 000 – Feuille Menton-Nice par B. GEZE – 1968
- Le diapir triasique du Mont Férion (A.M.) et son évolution tectonique par
B. GEZE – C.R. AC. des sciences – 9-12-1959.
|
Remerciements
Nous remercions vivement Monsieur Edmond MARI
qui nous a guidé avec enthousiasme
sur les sources de CHATEAUNEUF-VILLEVIELLE.
|
|