N° 3  -  1996

 

IMPACT D'UNE SOURCE
SUR UN ÉCOSYSTÈME FORESTIER
DANS LE PERCHE VENDÔMOIS

 


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Le site étudié ici est situé sur la retombée Nord-Est du dôme de Fréteval sur le flanc sud de la vallée de l'Egvonne.
Il comprend une ligne de petites sources sourdant à mi-pente entre les communes de Villebout et de Fontaine-Raoul, laquelle fait l'objet d'une description dans "Chronique des Sources et Fontaines" n° 2 - 1995, page 18.
II est répertorié dans le fichier de la Société d'Histoire Naturelle du Loir-et-Cher : 277 VILLEBOUT - Bois de Malitourne 4.


OROGRAPHIE, CLIMATOLOGIE
* Versant à pente assez prononcée comportant un méplat à mi-hauteur, orienté vers le Nord-Est.
* Climat océanique à flux d'air maritime venant de l'ouest.
* Pluviosité maximale en automne : 600 mm par an.
* Températures : + 10 ° en moyenne annuelle.
* Jours de gel : 57/an.


GÉOLOGIE
* Dans la partie supérieure du versant, le substratum géologique est constitué par des argiles sableuses à sable de silex et des silexites conglomératiques (perrons), d'âge éocène inférieur.
* Dans la partie inférieure du versant, ce sont des argiles plastiques à silex, d'âge crétacé.
* Le corps aquifère, qui subaffleure sous forme de petites sources et suintements le long de la courbe de niveau +200 m NGF est un horizon mince et discontinu de silexite cassée et fissurée qui repose sur les argiles plastiques imperméables du crétacé. Son "impluvium" (surface collectant les eaux de pluie et les ruissellements) est extrêmement réduit, ne dépassant pas le sommet de la colline située à une trentaine de mètres plus haut.

* Sur le site proprement dit (fig. 9), le contact entre les argiles sableuses éocène et les argiles plastiques crétacé sous-jacentes correspond au méplat cité plus haut. Il est recouvert par une couche épaisse de quelques mètres de gros silex cassés et légèrement émoussés qui sont soit une accumulation secondaire en pied de pente soit les vestiges d'une ancienne terrasse alluviale (cf. "Chronique des Sources et Fontaines" n° 2 -1995, page 14).

En dehors des suintements diffus, on observe trois points bien définis d'émergence (fig.9) :
- Le point A est une émergence primaire, sourdant directement du corps aquifère souterrain.
- Les points B et C sont des déversoirs secondaires de la couche de galets de silex, qui joue ici le rôle de réservoir régulateur.

La zone humide déterminée par ces émergences a une surface totale de l'ordre de 3.000 m2.
Il est nécessaire de préciser que le mécanisme naturel décrit ci-dessus est perturbé par une levée de terre artificielle qui a pour objet de retenir les eaux issues de l'émergence A, sous forme d'un étang. Cependant son efficacité est faible du fait qu'elle est construite directement sur la couche perméable de galets de silex et ne neutralise donc pas les déversoirs secondaires B et C.

PÉDOLOGIE
Environs immédiats du site (hors zone humide)
Les alentours de l'étang et de la source sont des taillis jeunes (2 ans) à sol en pleine lumière. Au nord de l'étang, on a un taillis ancien (30 ans) à sol entièrement à l'ombre. Dans le premier cas, on observe un humus du type mull mésotrophe (peu de feuilles sur un sol argilo-sableux peu altéré). Dans le deuxième cas, on a un humus de type mull acide avec davantage de feuilles sur un sol identique.
Ce sol argilo-sableux a pour origine un matériau éluvionaire issu de l'altération et du transport des éléments détritiques éocènes dominant le site et s'étendant vers le bas où il recouvre l'argile plastique à silex, non altérée et en place.
Bien drainé par l'effet de pente, il ne présente pas de traces d'engorgement sauf sur le méplat au nord-ouest de l'étang.

La zone humide du site
- L'écoulement vers l'étang des eaux de la source A se fait par une pente très faible : le sol est un gley noir à gris bleuté indiquant un milieu biologiquement presque inerte et chimiquement très réducteur.
A la source A, son épaisseur est de 20 à 30 cm et il repose directement sur le substratum de galets de silex. I1 s'amincit et disparaît vers l'étang.
- Sur les berges autour de l'étang, il n'y a pratiquement pas de couverture pédologique. La couche de galets de silex affleure presque partout : la végétation s'enracine entre les galets dans les espaces interstitiels où s'infiltre une boue très fine : boue de décantation du matériau éluvionaire provenant de la partie amont.
- Sous l'étang, autour et en aval des sources B et C, le sol est argilo-sableux beige clair avec des taches de couleur rouille (Fer oxydé) indiquant des engorgements modérés, temporaires selon les variations de débit des sources. Ces traces d'hydromorphisme disparaissent au-delà de quelques mètres du fait du drainage par effet de pente.
L'humus aux points d'émergence est du type mull moder (présence de matière organique noire) mais revient rapidement au type mull acide dès que l'on s'éloigne des points d'émergence.
Cette couverture pédologique repose ici directement sur des argiles à silex sous-jacentes peu ou pas altérées.
Lors de nos observations, début juin, une lame d'eau claire s'écoulait entre le toit des argiles à silex et la couverture pédologique.


BOTANIQUE
Milieu environnant
* La forêt dans laquelle est enclavé le site de la source est un taillis de charmes-châtaigniers sous futaie de chênes sessiles, essence dominante à l'étage arboré.
* A l'étage arbustif, le houx est pratiquement seul représenté dans les parties de taillis ancien (30 ans). Dans les parties de taillis récent (23 ans) se développent modérément aubépines, noisetiers. Les ronces ont tendance à envahir certaines surfaces au détriment des semis naturels de chêne et des repousses de charme et de châtaignier.
* A l'étage herbacé, le sol est colonisé en priorité dans les taillis jeunes (pleine lumière) par des graminées. La digitale pourpre est également abondante sur certaines surfaces de taillis jeunes de la partie supérieure, au-dessus de la source, mais a tendance à disparaître rapidement au fur et à mesure de la repousse des essences de taillis.
Dans les parties de taillis anciens (sol à l'ombre en permanence), seules de larges taches de pervenches se développent localement. La violette des bois y est également présente ainsi que le lierre grimpant et des mousses de la famille des hypnes.

Zone humide engendrée par la source
Elle est occupée sur 3.000 m2 environ par une saulaie entourant un étang retenu par une digue.
* L'étage arboré est absent.
A l'étage arbustif, le saule Marsault est dominant. Des essences telles que le saule cendré, le cornouiller sanguin et la bourdaine sont également présents mais peu fréquents.
* L'étage herbacé est riche en espèces diverses : une quinzaine environ ont été observées, les plus abondantes appartenant aux familles du jonc, du carex et des renoncules d'eau. Le gaillet gratteron est également abondant.
Le tableau ci-joint donne l'inventaire botanique du secteur. Cet inventaire n'est qu'une simple reconnaissance et ne saurait prétendre en aucun cas être exhaustif.
Les observations ont été effectuées en juin et juillet 1996 par temps sec et ensoleillé.

RELEVE DES ESPÈCES VÉGÉTALES

ESPÈCES RECONNUES

FRÉQUENCES OBSERVÉES

HELIOPHILIE

NOM FRANCAIS

NOM LATIN

SOL NORMAL

SOL HUMIDE

ÉTAGE ARBORÉ

CHÊNE SESSILE

Quercus petraea

++++

%

CHÊNE PÉDONCULÉ

Quercus robur

++

+

CHÂTAIGNIER

Castanea sativa

+++

%

CHARME

Carpinus betulus

+++

%

MERISIER

Prunus avium

++

%

FRÊNE COMMUN

Fraxinus excelsior

+

+++

%

TREMBLE

Populus tremula

++

+++

+

CORMIER

Sorbus domestica

+

+

BOULEAU VERRUQUEUX

Betula pendula

+

+

+

POMMIER SAUVAGE

Malus sylvestris

+

+

ÉTAGE ARBUSTIF

HOUX

Ilex aquifolium

++

-

AUBÉPINE MONOGYNE

Crataegus monogyna+

++

+

+

SAULE CENDRÉ

Salix cinerea

+

+

SAULE MARSAULT

Salix caprea

++++

+

CORNOUILLER SANGUIN

Cornus sanguinea

++

+

NOISETIER

Corylus avellana

++

%

RONCE DES BOIS

Rubus fruticosus

+++

++

+

GENET POILU

Ginesta pilosa

++

+

BOURDAINE

Frangula alnus,

+

+

ÉTAGE HERBACÉ

DIGITALE POURPRE

Digitalis purpurea

+++

+

PRIMEVÈRE ACAULE

Primula acaulis

++

%

PRIMEVÈRE OFFICINALE

Primula veris

++

%

,JONC ÉPARS

Juncus effusus

+

+++

%

EUPHORBE DES BOIS

Euphorbia amygdaloides

++

%

AGROSTIDE VULGAIRE

Agrostis capillaris

+++

+

CHIENDENT DES CHIENS

Roegneria canina (Elymus caninus)

++

%

VIOLETTE DES BOIS

Viola reichenbachiana

++

-

PERVENCHE

Vinca minor

+++

-

VÉRONIQUE PETIT CHÊNE

Veronica chamaedrys

+

+

GAILLET GRATTERON

Galium aparine

+++

%

RENONCULE FLAMMETTE

Ranunculus flammula

++

+

RENONCULE RAMPANTE

Ranunculus repans

++

%

BUGLE RAMPANTE

Ajuga repans

++

%

MYOSOTIS DES MARAIS

Myosotis scorpioides (ssp. palustris)

++

+

PÂTURIN DES BOIS

Poa nemoralis

++

++

%

PÂTURIN COMMUN

Poa trivialis

+++

++

+

LAÎCHE PALE

Carex pallescens

++

+

LAÎCHE PENDANTE

Carex pendula

+++

%

LOTIER DES FANGES

Lotus pedunculatus

++

+

CHANVRE D'EAU

Lycopus europaeus

++

+

MÉLAMPYRE DES PRÉS

Melampyrum pratense

++

++

%

ORTIE DIOÏQUE

Urtica dioica

+

+

LIANES

LIERRE

Hedera belix

++

-

DOUCE AMÈRE

Solanum dulcainara

+

+

ÉTAGE MUSCINAL

HYDNE SQUARREUX

Rhytidiadelpbus squarrosus

FRÉQUENCES :   ++++ dominant       +++ très fréquent       ++ fréquent       + rare

HÉLIOPHILIE :   + pleine lumière       % demi-ombre              - ombre

 


CONCLUSION
L'impact de la source étudiée ici porte sur un écosystème forestier typique du Perche implanté sur un substratum d'argiles à silex plus ou moins sableuses.
Cet impact est double. Il modifie :
- la qualité des sols,
- l'équilibre entre les espèces végétales, par voie de conséquence.

Qualité des sols
Le changement de qualité des sols s'effectue sur une surface très réduite : apparition sur quelques dizaines de mètres carrés, à partir du point d'émergence, d'un gley au milieu d'un sol normalement argilo-sableux assez frais. Le faciès gley disparaît peu à peu vers l'aval, c'est-à-dire vers l'étang. Il correspond en fait à un écoulement très lent dû au méplat topographique à l'amont duquel se trouve le point d'émergence (point A). La résurgence de l'eau sous l'étang (points B et C) s'effectue sur une pente assez forte. Le changement de qualité du sol y est très faible et porte surtout sur l'humus qui présente de faibles traces d'accumulation de matière organique qui disparaissent rapidement vers l'aval (mull moder passant à un mull mésotrophe).

Modification du milieu végétal
Elle couvre une surface beaucoup plus importante que le changement de sol = 3.000 m2 environ. La limite supérieure de végétation spécifique du milieu humide est extrêmement nette au niveau du point d'émergence. Elle est beaucoup plus progressive et diffuse vers l'aval. Cela est dû à la morphologie de pente qui est celle du cas présenté ici.
Elle permettrait éventuellement, en reportant des mesures altimétriques, d'effectuer une cartographie de l'horizon aquifère aussi précise qu'une prospection géophysique (résistivité), au-delà du ou des points d'émergence.

 

Bibliographie

- FLORE FORESTIÈRE FRANÇAISE : Plaines et collines - J.G-Rameau, D. Mansion, G.Dumé – éd. Institut pour le Développement Forestier (I.D.F.) 1989
- LES STATIONS FORESTIÊRES DU PERCHE. .Version sud – éd. Centre Régional de la Propriété Forestière d'Ile de France et du Centre. (C.R.P.F)

 


Remerciements

Nous tenons à remercier M. BOIZET
de l'Association des Naturalistes de Nice et des A.M.
qui a bien voulu nous aider dans la rédaction de cet article