N° 2  -  1995

 

LES FONTAINES DU MASSIF FORESTIER DE FRÉTEVAL

Pierre de BRETIZEL

Institut Géologique A. de Lapparent
LG.A.L. / LP.S.L. 13, bd, de l' Hautil F 95092 - CERGY PONTOISE Cedex

 

Résumé
Depuis des temps très anciens sont connues des fontaines naturelles dans le massif forestier qui couvre le dôme de FRÉTEVAL à l'Ouest du Loir. Une étude géologique appuyée par une campagne de terrain durant l'été 1995 apporte des éléments nouveaux sur l'hydrogéologie de ce dôme.
L'horizon aquifère le plus productif est situé à la base des formations détritiques de l'Éocène qui reposent tantôt sur les argiles et craies du Crétacé supérieur, tantôt sur les sables du Cénomanien supérieur (sables du Perche).
Les sources sont des points d'émergence déterminés par deux systèmes principaux de failles drainantes :
L'une orienté Nord-Ouest Sud-Est, draine les aquifères vers deux exutoires majeurs situés dans la vallée du Loir: la Fontaine d 'YRON à CLOYES et la Fontaine effondrée à MORÉE. L'autre orienté Nord-Est Sud-Ouest, draine.les aquifères dans la vallée du Gratte-Loup vers des nappes captives situées au Sud de LA-VILLE AUX-CLERCS.

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PREAMBULE
La grande Forêt de Frèteval borde la rive droite du Loir à l'extrémité Sud-Est de la région du Perche. Elle occupe un relief élevé, dominant à l'Est le plateau Beauceron, au Nord le Dunois et au Sud le pays Vendômois.
Malgré sa position stratégique commandant la vallée du Loir, le site est rarement concerné par les grands événements historiques.
Citons cependant comme repères :
998 = Lieu d'exil de Robert le Pieux, fils d'Hugues Capet, excommunié (il passera deux ans dans ces bois à chasser! )
1.100 = Date probable de construction du Donjon de FRÈTEVAL.
1.194 = Bataille dite de FR ÈTEVAL : Richard I Coeur de Lion y défit Philippe Auguste.
1.944 = La Résistance recueille et cache dans la forêt les aviateurs alliés abattus pendant la bataille de Normandie (camp de BELLANDE).

La forêt de Frèteval est un haut-lieu, non seulement par sa topographie mais, également, sur un plan économique et culturel car on y trouve encore les stigmates d'activités très anciennes :
Lignes de Dolmens marquant les confins du massif, dans les vallées du Loir et de l' Egvonne.
Stations d'outillages néolithiques aux DIORIÈRES et dans la vallée du Loir.
Anciennes exploitations de minerai de Fer, pouvant remonter à la période gauloise, près de FRÈTEVAL.
Sanctuaires ou restes de sanctuaires situés sur des points où jaillissent des sources. Ils sont le témoignage d'un culte des eaux souterraines, dont l'origine remonte probablement à la période pré-chrétienne.

Maintenant dédiés à la Sainte-Vierge ou à des saints locaux, ils ont fait l'objet de pèlerinages jusqu'au début de ce siècle. Ils sont au nombre de SIX :
- Notre-Dame d'YRON : Ancienne Abbaye fondée en 1.115. Elle fut construite juste en aval des résurgences de l'YRON à CLOYES. II n'en reste qu'une chapelle romane décorée de fresques du Xlle siècle (monument classé).
- Fontaine ST GYLDERIC : Dans la vallée du Gratteloup, près des DIORIÈRES. Emergence unique auprès de laquelle était construite une chapelle dont il ne reste que des pans de mur dans les broussailles. Elle était l'objet jusqu'à la fin du siècle dernier d'un pélerinage annuel, le 14 Mai, venant de CHAUVIGNY-duPERCHE. L'eau de la fontaine était réputée guérir les fièvres.
- Fontaine ST MARC : Dédiée à St. Marc, patron de la paroisse de FONTAINE-RAOUL, elle sourd à proximité de l'Eglise. C'est peut-être elle qui est à l'origine du nom de ce village.
- Fontaine Ste CECILE : Source du Gratteloup. Près de cette source se dressait autrefois une chapelle datant du Xlle siècle, faisant partie d'un ancien prieuré. II n'en reste aujourd'hui que des fossés et des talus. L'eau de cette source était également réputée pour la guérison des fièvres. Elle faisait l'objet d'un pèlerinage jusqu'à il y a une centaine d'années. Le pélerinage parfait de FONTAINE-RAOUL et de VILLEBOUT. En témoignent les traces d'anciens chemins creux convergeant vers Ste. Cécile à partir de ces deux villages.
- Fontaine ST ETIENNE : Dans la vallée du Gratteloup, en amont du village de BUSLOUP, près du château des MUSSETS. Emergence unique jaillissant en fond de vallée sous une petite construction en pierres voûtée. L'eau de cette source était réputée pour la guérison des enfants atteints de convulsions. Elle faisait également l'objet, autrefois, d'un pélerinage.
- Fontaine SAINTE RADEGONDE: Située à 1.500m au Nord de la précédente, dans la même vallée. Une chapelle y est édifiée sur l'emplacement d'un très ancien sanctuaire. Elle faisait l'objet d'un pèlerinage, le mardi de la Pentecôte, pour la guérison des rhumatismes. Sainte Radegonde, Reine des Francs, s'y serait désaltérée avant de s'enfermer dans un couvent à Poitiers. Derrière la chapelle s'élevait une aubépine atteignant 6m de hauteur. Au mois de Mai on coupait ses branches fleuries que l'on plantait sur les tas de fumier pour éloigner des étables vipères et couleuvres.
- Fontaine Effondrée : Elle jaillit d'un bassin naturel s'ouvrant dans les alluvions du Loir, en amont de MORÉE.
Aucun sanctuaire ou vestiges de sanctuaire n'existe à proximité. Mentionnons cependant l'existence d'un dolmen (Les Pierres-aux-Fées) de l'autre côté du Loir qui pourrait laisser supposer qu'un culte pré-chrétien a été voué à cette source.

En plus de ces fontaines plus ou moins connues, nos investigations durant le printemps et l'été 1995 nous ont permis de retrouver une quarantaine d'autres émergences naturelles dans et autour du massif forestier de FRÈTEVAL, sur une surface de 100 km2. Nous avons pensé qu'il serait intéressant de connaître l'hydrogéologie des corps aquifères qui alimentent ces sources, à double titre : Connaissance du patrimoine régional et Acquisition de données pratiques sur le potentiel aquifère utilisable pour l'agriculture, la sylviculture, l'entretien ou la construction de plans d'eau, l'alimentation en eau notable etc ....


Références bibliographiques
SAINT VENANT, R. (de) Dictionnaire topographique, historique, biographique, généalogique et héraldique du Vendômois. 4 vol. 1912 - 1917.
CARTRAUD M. Fontaines sacrées et fontaines saintes en Vendômois. Bull. Soc. Archéol. scient. et litt. du Vendômois. 1968.
CARTRAUD J. Légendes de Loir-et-Cher. Soc. des sciences et lettres de Loir-et-Cher. 1981.

NOTES HYDROGÉOLOGIQUES


DOCUMENTS DE RÉFÉRENCE.

- carte géologique au 1 /50.000°. Feuille 2019. CLOYES/Loir et sa notice. Les levés ont été effectués par J. MANIVIT (BRGM) en 1978 et 1979.
- carte topographique IGN au 1 /25.000°. Feuille 2019 Ouest: CLOYES/Loir.
- photographies aériennes IGN. Vol 1991 FD - 41300. Photos 47 à 51 et 27.
- la bibliographie est celle indiquée dans la notice de la Carte Géologique.

CADRE GÉOGRAPHIQUE.
Le terrain de la présente étude couvre une surface de 100 km2. II est situé à l'ouest de la vallée du Loir, à l'endroit où cette rivière quitte le département d'Eure-et-Loir pour entrer dons celui du Loir-et-Cher. Les communes dont le territoire est concerné sont au nombre de 12 :

BOUFFRY
BUSLOUP
CHAUVIGNY DU PERCHE
CLOYES SUR LE LOIR
FONTAINE-RAOUL
FRÈTEVAL
MORÉE
RUAN SUR EGVONNE
LA VILLE AUX CLERCS
St HILAIRE LA GRAVELLE
St JEAN FROIDMENTEL
VILLEBOUT

Le massif forestier de Frèteval, auquel se rajoutent à sa périphérie Nord les bois de BOUFFRY et de MALITOURNE, occupe un large dôme topographique qui constitue la limite orientale des collines du Perche Vendômois, avant le plateau de Beauce. II est bordé à l'Est par la vallée du Loir, au Nord par la vallée de l' Egvonne, affluent du Loir, au Sud et à l'Ouest par la vallée du Gratteloup, autre affluent du Loir. Ce dôme a une forme dissymétrique avec un flanc Nord (rive droite de l' Egvonne) plus abrupt que le flanc Sud qui forme un plateau doucement incliné. Le point culminant se trouve à l'Ouest du village de FONTAINE - RAOUL, à 256 m, soit une dénivellation de 170 m environ par rapport au fond de la vallée du Loir. L'occupation des sols est représentée à 70 % par la forêt (feuillus et résineux). Le reste est représenté par des cultures diverses et des herbages. Le sous-sol dont les principales ressources potentielles sont des sables de fonderie et de verrerie et des argiles à tuiles a été sporadiquement exploité autrefois mais ne fait actuellement l'objet d'aucune exploitation.

DONNÉES GÉOLOGIQUES INITIALES
Elles proviennent essentiellement de la Carte Géologique au 1 /50.000° et de sa notice, Ii ainsi que des ouvrages et documents cités dans la bibliographie de cette notice.

Lithologie et Stratigraphie
Les formations qui affleurent dans et autour du massif de Frèteval sont, dans l'ordre stratigraphique et de bas en haut :
a) Cénomanien moyen: Marnes de BOUFFRY (C2a)
Marnes plastiques glauconieuses. Elles affleurent uniquement au Nord-Ouest de BOUFFRY, sur la limite Nord du massif .
b) Cénomanien supérieur: Sables du Perche (C2b)
Sables fins à grossiers, micacés, de couleur ocre à rouge foncé avec quelques niveaux indurés (recimentés) formant des grés durs rouge-foncé à brun-foncé.
Ils affleurent principalement sur le flanc Nord du dôme (rive droite de la vallée de l'Egvonne) entre le Nord-Ouest de BOUFFRY et MALITOURNE. Deux autres affleurements sont indiqués: l'un dans la valllée du Gratteloup, entre les DIORIÈRES et la GRANDE BORNE, l'autre à ST-HILAIRE-LA-GRAVELLE, dans la vallée du Loir.
c) Turonien (C3)
Craie et calcaires crayeux à niveaux de silex. Bien que traversé par certains sondages, ils n'affleurent que dans la vallée du Loir, dans le secteur de St HILAIRE-LA-GRAVELLE.
d) Crétacé terminal (C5)
Argiles plastiques blanches, grises, verdâtres, jaunâtres, à silex. Certains de ces silex proviennent de la silicification de fossiles: spongiaires, échinodermes, débris de lamellibranches. Elles affleurent plus ou moins sporadiquement sur le pourtour du massif.
e) Éocène inférieur (e)
II est représenté par des dépôts détritiques continentaux (érosion de reliefs émergés) variés comprenant
-des argiles silteuses à silex roulés
-des conglomérats siliceux (perrons)
-des grès quartzitiques
-des sables argileux grossiers
Ces sédiments affleurent largement sur le flanc Sud du dôme et dans la vallée de l' Egvonne.
f) Formations superficielles récentes (quaternaire à actuel)
-Alluvions du Loir et de ses affluents.
-Limons des plateaux (Lp) recouvrant une grande proportion des parties hautes du dôme.

Tectonique
Une faille importante de direction N 125 est représentée sur la carte géologique : la faille dite de "Fontaine-Raoul" : elle suit le cours de l' Egvonne sur sa rive droite, entre DROUÉ et St JEAN FROIDMENTEL et se poursuit vers l'Est au delà du Loir le long de la forêt de MARCHENOIR. Des accidents secondaires sont dessinés, l'un au Nord, la faille dite de "CLOYES", de direction N 135, l'autre au Sud, formant une divergence de la "faille de Fontaine-Raoul" entre VILLEBOUT et MORÉE, avec une direction N145. D'après la notice ces failles ont été tracées en fonction des données géophysiques (sismique). Aucune autre information d'ordre tectonique n'est indiquée sur la carte pour le reste de la zone étudiée.

Hydrogéologie
3 horizons aquifères superposés sont décrits, correspondant à des formations affleurantes ou sub-affleurantes, dans la zone étudiée, de bas en haut :
- La nappe des Sables du Perche (Cénomanien supérieur C2b) qui alimente en eau potable les communes de FRÈTEVAL, MORÉE et LA VILLE-AUX-CLERCS.
- La nappe de la Craie (Turonien C3) qui est drainée au Nord de la faille de "Fontaine-Raoul" parle cours souterrain de l' Egvonne.
- La nappe de l'Eocène inférieur (formations à silex).

Une petite carte hydrologique, en courbes isohypses, accompagne la Carte Géologique et donne les cotes absolues supposées des nappes de la Craie et des Formations à Silex de l' Eocène inférieur.


DONNÉES NOUVELLES APPORTÉES PAR LA PRÉSENTE ÉTUDE
Elles proviennent essentiellement d'une analyse géomorphologique détaillée, par examen stéréoscopique des photos aériennes et corrélations avec les formes du terrain, particulièrement le tracé du réseau hydrographique de surface.
Des contrôles systématiques ont été effectués sur le terrain durant l'été 1995.

Lithologie et Stratigraphie (fig 3)
La description lithologique de la notice de la Carte Géologique est valable pour l'ensemble des terrains affleurant sur cette carte (cf. 3.1)
Nous donnons ici une description locale restreinte au dôme de FRÈTEVAL et à la rive droite de l' Egvonne, dans laquelle on retrouve certains faciès de la description d'ensemble.


figure 3

De bas en haut affleurent :
(a) Cénomanien moyen = Marnes de Bouffry (C2a) (cf § prcdt)
(b) Cénomanien = Sables du Perche (C2b) (cf § prcdt)
(c) Turonien = Craie à Silex (C3). La partie inférieure de cet horizon est marneuse, d'après les sondages. L'ensemble craie et craie marneuse disparaît dans la zone sommitale du dôme, où les Sables du Perche paraissent recouverts directement par les couches de l' Eocène.
(d) Crétacé terminal = Argiles plastiques à Silex.
Elles disparaissent également dans la zone sommitale du dôme, sous les couches éocènes. II semble donc que cette zone ait joué comme un haut-fond marin plus ou moins émergé dans la mer Crétacée. Ce haut-fond a pu résulter de mouvements tectoniques ayant joué à la fin du Crétacé.
(e) Eocène inférieur (e). Le type de dépôt est détritique continental, résultant du démantèlement de reliefs assez proches. II confirme donc l'émersion de la région par mouvements tectoniques à la fin du Crétacé.
Dans le secteur du dôme de Frèteval, la séquence lithologique locale s'établit comme suit (de bas en haut) :

  - Silexites conglomératiques généralement compactes. Elles apparaissent très délitées en affleurement, du fait des conditions climatiques (gel) et du fauchage des couches meubles sous-jacentes le long des pentes ; le nom de "perrons" désigne des parties affleurantes demeurées intactes de cet horizon.
Ces silexites, bien que très dures, sont cassantes et se fracturent en réseau serré dans les zones de failles
- Au-dessus se développe une formation argilo-sableuse meuble dans laquelle le matériel argileux est nettement prépondérant. La séquence est confuse, généralement perturbée par l'altération de surface. En sondages l'observation est rendue difficile parle caractère ébouleux du terrain.

Le passage des silexites de la base à cette formation argilo-sableuse semble se faire par diminution progressive des niveaux à silex. Dans cette zone de transition on observe des faciès ferrugineux : silex à cortex coloré en rouge, argiles ocres et rouge vif, concrétions de limonite. Ces faciès ferrugineux témoignent d'un climat chaud ayant entraîné une latéritisation de surfaces émergées (paléosols), que l'on retrouve un peu partout dans l' Eocène du Bassin de Paris sous le nom de "Sidérolithique". Dans le secteur du dôme de Frèteval certaines poches à remplissage limonitique ont même été exploitées autrefois comme minerai de Fer, notamment le long du Loir, près du village de FRÈTEVAL. L'ensemble éocène atteint son maximum d'épaisseur dans la vallée de l'Egvonne.

(f) formations superficielles Mises à part les formations décrites dans la notice de la Carte Géologique (voir § précédent, f) nous avons retrouvé des vestiges d'alluvions anciennes le long du flanc Nord du dôme, entre BOUFFRY et MALITOURNE : il s'agit de silex roulés et de graviers mélangés de sable et d'argile, occupant les restes d'un palier horizontal formant une marche à mi-pente, dominant de 80m la vallée actuelle de l'Egvonne. L'examen géomorphologique de ce secteur montre que le talus qui domine, au Sud, les restes de ce palier alluvial parait dessiner les sinuosités d'une ancienne rivière. Nous verrons au paragraphe suivant l'importance de ce palier alluvial en matière de tectonique.


figure 4

Tectonique
(a) L'analyse géomorphologique que nous avons effectuée repère aisément la "Faille de FONTAINE-RAOUL" tracée sur la Carte Géologique : elle détermine le flanc Nord du dôme de FRÈTEVAL entre BOUFFRY et MALITOURNE, ainsi que son prolongement vers MORÉE par le vallon de la GUETTE. II s'agit d'un accident majeur localisé en 1956 par des études sismiques : son rejet est vers le Nord et atteint 120m de dénivellée entre le compartiment haut (dôme de Frèteval) et le compartiment bas (vallée de l' Egvonne). Sa direction moyenne (NI 25-N 145) est une direction ancienne, hercynienne (armoricaine) indiquant qu'elle a probablement rejoué à différentes époques, entre le Carbonifère (360 M.A) et la période actuelle. Le rejet mesuré est probablement dû à deux phases paroxystiques : l'une à la fin du Crétacé (65 M.A.) révélée par l'épaississement important des couches éocènes continentales entre le flanc Sud du dôme de Frèteval et son flanc Nord, l'autre postéocène (< 35 M.A.) révélée parla présence de restes de terrasses alluviales sur le versant Sud de la vallée de l'Egvonne, et à 80m au-dessus du cours actuel de cette rivière.
(b) D'autres lignes de failles et de fractures, non-reportées sur la Carte Géologique, ont été localisées par notre analyse géomorphologique : leur rejet est relativement plus faible (quelques dizaines de mètres) bien que certaines aient des extensions importantes en longueur.

En tenant compte des données antérieures, le réseau des failles et cassures affectant le dôme de Frèteval s'oriente suivant le diagramme ci-après :
Les différentes unités cartographiées ( fig. 5 ) sont les suivantes :

Direction N120-NI45 (armoricaine)
(1) Faille de "Fontaine-Raoul" : voir ci-dessus
(2) Faille de l'Egvonne : DROUÉ - N.D. YRON faille normale à rejet Sud faible.
(3) Faille BELLANDE - vallon de la Guette - MORÉE: elle relaie vers le Sud-Est la faille de "Fontaine-Raoul". Rejet Est décroissant du Nord vers le Sud.
(4)Faille de BOUFFRY : décrochante dextre ( 300m )
(5) TAFFOREAUX : 2 fractures d'extension réduite. Rejet insignifiant. Satellites de l'accident (3)

Direction N40-N60
(6) Faille du Gratteloup : LES GIBAUDIÈRES - FONTAINE-RAOUL - LES DIORIÈRES - LA VILLE AUX CLERCS: faille normale à rejet Ouest (>40m) et décrochante dextre (200mj. Satellites paralléles, à l'Ouest des DIORIÈRES et à la Vallée-aux-Loups.
(7) Faille l'ARPENTY-BELLANDE : décrochante sénestre (300m) à sa jonction avec l'accident (3).
(8) Faille de BUSLOUP : rejet indéterminé.
(9) Faille des MUSSETS : rejet indéterminé.

Direction sub-méridienne
Réseau de fractures mineures à rejet insignifiant interférant avec les directions majeures ci-dessus.


Cliquer sur la carte pour l'agrandir

Hydrogéologie
Réseau hydrographique de surface
Ce réseau s'oriente par rapport aux directions structurales décrites au paragraphe précédent. Il est peu serré, immature, surtout sur le flanc Sud du dôme.

Inventaire (non exhaustif) des émergences naturelles des eaux souterraines
Notre-Dame d'YRON (commune de CLOYES/LOIR)
* Altitude 96 m
* Emergences : 4, le long du lit de l' Yron..
* Débit total estimé: > 100 I/s
* Strate aquifère: craie du Turonien, karstifiée.
* Contrôle tectonique: faille majeure de l'Egvonne (unité (2)). Le point d'émergence se situe à l'intersection de cette faille avec le plan du niveau alluvial de la vallée du Loir. Des pertes importantes apparaissent dans le cours de l'Egvonne, vers les GIBAUDIÈRES, en amont de VILLEBOUT. Elles sont peut-être dues à l'intersection de la faille de l' Egvonne avec l'extrémité Nord de la faille du GRATTELOUP (unité (6)). On peut considérer qu'une partie importante ( > 50% ) des eaux de l' Egvonne disparaissent sous terre en amont de VILLEBOUT pour ressortir à N.D. d'YRON. II en résulte un important soutirage de la nappe de la craie vers l'exutoire de l'YRON, ce qui peut expliquer les échecs relatifs des forages d'eau exécutés dans le couloir séparant la faille de l'Egvonne (unité (2)) de la faille de Fontaine-Raoul (unité (1)).

La Fontaine effondrée (commune de MORÉE)
* Altitude: 90 m
* Emergences : 1 exutoire artésien dans les alluvions du Loir.
* Débit fatal estimé: > 100 I/s
* Strate aquifère : craie du Turonien et sables du Perche.
* Contrôle tectonique: faille majeure de MORÉE (unité (3)). Le point d'émergence se situe à l'intersection de cette faille avec le plan du niveau alluvial du Loir. L'émergence est alimentée par les eaux souterraines de fa craie du plateau Nord de MORÉE qui sont drainées du SE vers le N par la faille. Sa sortie forcée à travers les couches alluviales indique une certaine pression de mise en charge de la zone saturée due non seulement à la dénivellation du plateau de MORÉE mais également à celle de la rive droite du Loir où un drainage important doit se faire dans l'axe du ruisseau de la GUETTE, où affleurent les sables du Perche.

Groupe de Sainte Cécile (sources du Gratteloup, commune de FONTAINE-RAOUL)
* Altitude : 200 à 213 m
* Emergences : 5 observées (probablement plus si l'on effectuait une recherche systématique)
* Débit total estimé: < 10 I/s
* Strate aquifère : silexite fracturée de la base de l' Eocène inférieur, reposant sur la couche imperméable des argiles à silex du Crétacé supérieur.
* Contrôle tectonique: faille majeure du Gratteloup (unité (6)). Cet accident draine ici vers le Sud la partie sommitale du dôme de Frèteval, au Sud de FONTAINE-RAOUL.

Groupe de la CONVERTIÈRE (commune de CHAUVIGNY-DU-PERCHE)
* Altitude: 180 à 170 m
* Emergences : 3 observées (probablement plus si l'on effectuait une recherche systématique)
* Débit total: non estimé; faible.
* Strate aquifère: silexite fracturée de la base de l' Eocène inférieur, reposant sur la couche imperméable des argiles à silex du Crétacé supérieur.
* Contrôle tectonique: faille majeure du Gratteloup (unité (6)). La zone d'émergence correspond à l'intersection de cet accident avec une fracturation mineure de direction sub-méridienne. Drainage venant du Nord.

SAINT GYLDERIC (commune de CHAUVIGNY-DU-PERCHE)
* Altitude: 155 m
* Émergences : 1 seule observée.
* Débit total: autour de 1 I/s (estimation en période d'étiage)
* Strate aquifère: silexite fracturée de la base de l' Éocène inférieur, reposant sur la couche imperméable des argiles à silex du Crétacé supérieur.
* Contrôle tectonique: faille majeure du Gratteloup (unité (6)). Le point d'émergence correspond à l'intersection de cet accident avec une fracturation mineure de direction sub-méridienne. Drainage venant du Nord.

SAINTE RADEGONDE (commune de BUSLOUP)
* Altitude: 123 m
* Émergences : 2 observées
* Débit total: estimé à ± 5 I/s (en période d'étiage)
* Strate aquifère : craie du Turonien. Les émergences sont localisées immédiatement sous la couche imperméable des argiles à silex, reposant sur la craie.
* Contrôle tectonique: fracturation mineure de direction sub-méridienne. Drainage venant du Nord.

SAINT ÉTIENNE (commune de BUSLOUP)
* Altitude: 115 m
* Émergences : 1 principale ainsi qu'une série de petites sources sourdant le long du versant Ouest de la vallée du Gratteloup, en amont de l'émergence principale. D'autres sources sont signalées en aval, vers le village de BUSLOUP mais nous n'en avons pas répertorié.
* Débit de !'émergence principale: ± 1 I/s (estimation en période d'étiage)
* Strate aquifère: craie du Turonien, immédiatement sous la couche imperméable des argiles à silex qui affleurent sur les flancs de la vallée du Gratteloup.
* Contrôle tectonique : Point d'intersection entre une faille mineure de direction subméridienne et une autre faille mineure de direction NSO. Drainage venant du Nord et du Nord-Est.

Etang de la VERRERIE (commune de BUSLOUP)
* Altitude : 145 m.
* Emergence : 1 seule observée, en amont de l'étang.
* Débit: non estimé; faible.
* Strate aquifère: silexite de la base de l' Eocène, reposant sur les argiles à silex du Crétacé supérieur. Le nom de "La Verrerie" laisse supposer que des sables aient pu être exploités à proximité. Peut-être existe-t-il un affleurement de sables du Perche en aval de l'étang, mais son existence reste à démontrer.
* Contrôle tectonique : fracture de direction sub-méridienne, dans l'axe du vallon. Drainage venant du Nord.

Groupe de BELLANDE (commune de VILLEBOUTj : sources du vallon de la Guette.
* Altitude: 170 à 155 m.
* Emergences : 4
* Débit total: non estimé (probablement de l'ordre de 10 I/s en période d'étiage)
* Strate aquifère : silexite fracturée de l'Eocène inférieur, reposant sur l'argile à silex du Crétacé supérieur. L'une de ces émergences, (la plus en amont sur la rive Sud du ruisseau de la Guette) émet des produits ferrugineux abondants, dus probablement au lessivage de la couche ferrifère qui surmonte le niveau à silexite (voir plus haut).
* Contrôle tectonique: faille décrochante (unité (7)). La source la plus en aval, au lieu-dit "La Claquée" est proche du point d'intersection entre la faille décrochante de l'unité (7) et la faille majeure de l'unité (3). Drainage venant du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

Groupe de FONTAINE-RAOUL (communes de FONTAINE-RAOUL, VILLEBOUT et RUAN/EGVONNE)
Ces sources apparaissent au pied de l'escarpement Nord de la crête topographique qui sépare les deux versants du dôme de Frèteval. L'une d'elles, la fontaine St MARC, alimentait en eau le village de FONTAINE-RAOUL.
* Altitude moyenne: 200 m.
* Emergences : 6 observées. En fait, il s'agit plutôt d'une ligne aquifère continue dont les eaux suintent d'une manière irrégulière entre les bois de CORMONT, au Nord-Ouest, et les bois de MALITOURNE, au Sud-Est.
* Débit total: ?
* Strate aquifère : silexite fracturée de l'Eocène inférieur, reposant sur l'argile à silex du Crétacé supérieur.
* Contrôle tectonique : non évident. Peut-être des fractures satellites parallèles à la faille majeure de FONTAINE-RAOUL. Drainage venant du Sud-Ouest.

Groupe de BOUFFRY (commune de BOUFFRYj
* Altitude: 175-180 m
* Emergences : 3
* Débit total: ?
* Strate aquifère : partie inférieure des sables du Perche (Cénomanien supérieur) reposant sur les marnes imperméables de Bouffry (Cénomanien moyen).
* Contrôle tectonique : faille décrochante (unité (4)) et des satellites parallèles. Drainage venant du Sud-Est.

Groupe de la rive Sud de l' Egvonne (communes de RUAN et VILLEBOUT)
* Altitude: ± 160 m.
* Emergences : 4 reconnues. II s'agit d'une ligne aquifère pouvant, en réalité, comporter un plus grand nombre d'émergences.
* Débit total: ?
* Strate aquifère : sables du Perche.
* Contrôle tectonique: faille majeure de l'unité (1) mettant en contact les sables du Perche avec la partie supérieure argileuse de l' Eocène inférieur. Les émergences semblent se situer sur des petits décrochements transverses (N 10 à N50) affectant le tracé de l'accident principal. Drainage venant du Sud.
Les petits décrochements pourraient également donner les venues d'eau qui existent sous le village de VILLEBOUT, mais, dans ce cas, la strate aquifère est la silexite de la base de l' Eocène reposant sur l'argile du Crétacé supérieur. Drainage venant du Nord-Ouest.

CONCLUSION
L'analyse géomorphologique, appuyée par des reconnaissances et des contrôles sur le terrain, permet de préciser l'hydrogéologie du Dôme de FRÈTEVAL.
Des données tectoniques nouvelles (par rapport à la Carte Géologique au 1 /50.000°) apportent des informations sur le trajet des eaux souterraines et leurs points d'émergences naturelles (sources).

Deux grands systèmes de failles recoupent les couches aquifères du Dôme.
a) Le faisceau de l' Egvonne (orienté N 120-N 145) qui draine les eaux souterraines du Dôme vers le Loir dont elles rejoignent le cours en surface par deux importants exutoires: N.D. d'YRON, à la hauteur de CLOYES et la "Fontaine Effondrée" à la hauteur de St HILAIRE-LA-GRAVELLE.
b) Le faisceau du Gratteloup (orienté N40-N60) qui draine les eaux souterraines du flanc Sud du Dôme vers le Sud-Ouest, où elles alimentent les nappes captives sous le plateau Vendômois.

Le dôme occupe une surface d'environ 100 km2. Les eaux souterraines y circulent librement du fait de la situation topographique et géologique (structurale) : le drainage par le réseau des failles et des fractures y est donc un phénomène important que l'on doit prendre en compte prioritairement quand on effectue des recherches de ressources en eau ou lorsque l'on doit choisir un emplacement de forage d'exploitation.
Ainsi, un essai de pompage dans un niveau réputé aquifère peut se révéler décevant, lorsque le forage est situé en dehors d'un couloir de fractures. Par contre, un forage implanté dans un couloir de fractures, pourra donner des débits importants, dans le même niveau aquifère.
C'est exactement ce qui se passe lorsque l'on draine, pour l'assainir, une terre agricole. Le sol est asséché autour de la ligne de drainage. L'eau se concentre à l'intérieur du drain.

Notre étude a également mis en évidence la disparition dans le secteur de la Gaudinière (partie centrale du flanc Sud du dôme) du Crétacé supérieur (craie et argile). Les sables du Perche (aquifères) y sont recouverts directement par les silexites (aquifères) de l' Eocène inférieur. II v a donc collusion des horizons aquifères dans ce secteur. Cela démontre, par ailleurs, la pérennité du Dôme de Frèteval : un paléorelief existait dejà, à la fin du Crétacé ; son influence s'est poursuivie jusqu'à la période actuelle.


REMERCIEMENTS.

L'auteur remercie la SOCIÉTÉ FORESTIERE du groupe de la Caisse des Dépôts
de lui avoir accordé toutes facilités de pénétrer et de parcourir la propriété de la Forêt de FRÉTEVAL dont elle a la charge,
et plus particulièrement M. COUSINOU, Directeur de l'Agence de Tours et M. VADÉ, Responsable Forestier du secteur.

Il remercie également, pour les informations précieuses qu'ils lui ont apportées,
MM. Guislain de BEAUDIGNIES, Régis BERTIN et Olivier de MASSOL.